|
les textes et poèmes que Cathy Garcia nous a envoyés
par mail
( ces textes sont l'oeuvre de Cathy Garcia,
droits de reproduction interdits)
DÉCADENCE
Les néons électriques
Se brisent
Sur les silex trop aiguisés
Des balises de l'Histoire.
Les voiles tendus
Sur toutes ces femmes
Aux regards éperdus,
Sont des flammes noires
Qui brûlent
Dans ma mémoire !
Les pleurs offerts
Aux vastes océans
En breuvages amers,
Font naître des rivages
Aux lèvres du néant.
De longs sillons creusés
Sur les visages souffrants.
Notre futur égaré
Au-delà des limites.
A trop le cajoler,
Voilà qu'il nous évite !
L'espoir s'effrite
Sur larête du progrès
Et les derniers moulins
Ont égaré leurs ailes.
Tous nos rêves stockés
Dans des cylindres métalliques,
Des embryons congelés !
Seules nos âmes
N'ont pas encore été
Disséquées.
LA DEMOISELLE
Sa main de gaze
Aux ongles de nacre,
Se chauffe à l'extase,
Au feu du massacre,
Au-dessus des champs de lys noirs
Dans un ballet fébrile,
Une lame en guise de regard,
Prête à trancher les fils.
Ce sont des brassées d'âmes
Qu'elle cueille en souriant,
Sous les brasiers en larmes,
Et les cascades de sang !
Et elle fauche, heureuse,
Hommes, femmes et enfants,
La belle moissonneuse
Aux longs jupons sanglants !
La brume bleue qui monte
Quand la corneille baille,
Des charniers de la honte
Sur les champs de bataille,
Camoufle les lambeaux
Du repas de l'ogresse
Qui repart avec sa faux,
Dispenser ses largesses.
Elle va à la guerre comme au bal,
Double valse au son des canons !
Elle vous jure qu'il n'y a pas de mal
Tout en vous frappant au front!
Malgré vos serments pour la vie,
Si elle vous prend pour amant,
Aux fers rougis de son lit
Vous succomberez très rapidement,
Car cette Cendrillon peut aussi
Si la folle envie la chatouille,
Bien avant l'heure de minuit,
Vous transformer en citrouille !
Ah ! Messieurs, cette maîtresse
Vous couchera mieux qu'aucune femme,
Mais c'est une belle traîtresse
Qui vous fera rendre l'âme!
MÉMORIAL
Comme des statues guerrières,
Au coucher flamboyant,
Brandissant, meurtrières,
Leurs étendards sanglants,
Ils se tiennent hauts et droits,
Immobiles et féroces,
Tandis que sonne le glas,
Que l'on recouvre la fosse !
Les glorieux samouraïs
De tout temps in-conquis,
Splendides épouvantails
Sur vos socles maudits!
Statues gorgées jusqu'aux os
De tout le sang répandu,
Foutez la paix aux tombeaux
Des jeunes soldats inconnus!
La nuit papivore
C'est la nuit. Nuit d'encre jetée sur la machine. Caractères en
ombres fines, moulés de papier blanc. Feuilles tatouées qui jonchent le sol.
Un cri, un bris de vitre, des pas précipités, le silence à nouveau,
grignoté par un rat mécanique. Pluie saccadée, les doigts noueux, jaunis, martèlent
les touches. Des pas dans l'escalier, le bois qui grince, le voisin qui râle parce qu'il
n'y a toujours pas de lumière dans le couloir. Un son de clé, cliquetis ouvre-toi et le
courant d'air referme la porte. Clac!
Silence, grignotage, rat mécanique. Caresse froissée qui retombe avec
un son mat dans la corbeille à papiers, papiers, papiers, pas pieds! Se noyer dans la
marée de papiers froissés, pliés, écartés, jetés, déchirés, lacérés, arrêtez!
Reprendre le geste sec et précis, la pendule donne le rythme,
clignement des paupières, la lampe est fatiguée. Des soupirs se glissent sous les
feuilles, flocons qui tombent, tombent encore entre les doigts raidis. Pause. La page est
restée blanche.
L'auteur assoupi sous l'avalanche, a glissé sous une feuille de
silence.
Le port de Cythère
Là sont les étoiles ! Sur ta peau si douce où ma bouche se
hâte vers des contrées particulières, des terres sauvages et inondées, pleines
doiseaux spongieux et de gémissements enfouis. Ma bouche en guise de proue, je
remonte tes estuaires où selon la légende, vivent les marins perdus.
Agenouillé dans tes lagunes, je bois le sel de tes péchés. Enlacé
par tes vagues, je mélève tel un jeune soleil gorgé dun suc qui nen
peut plus de voir tes côtes tanguer sous la houle et cette douce crique enchantée où
pleurent les mouettes !
Je prends sur ma langue tous les bateaux amarrés à la frange humide
de tes cils, prêt à partir encore et encore par amour du large et je bois lécume
de ce ravissant coquillage, je cherche la perle qui se cache tout au fond, la perle de
satin rose et jarrache des rafales de cris à ta gorge haletante !
La tempête se lève, mon amour, mais je tiens le cap, à la pointe de
la langue et du sextant ! Je temmène jusquau bout de la nuit, là où la
jetée se confond avec le ciel mais avant ça, ma lune, tu mauras donné ton
miel ! Je veux jouer avec toi à la joie du monde, je veux entrer dans la vieille
danse, accroche-toi à moi ! Je frotterai mon jus sur tes lèvres affligées
damour.
Je suis la lame de fond qui ravage tes entrailles, qui harponne tes
vaisseaux, je suis le pirate sans scrupule qui pénètre ta chambre au trésor !
Lhuile de mes reins vient mouiller tes rives et se mêler à tes cascades de
cyprine.
Je jouirai à ton port, ma belle pieuvre, enlacé par tes bras multiples, au flux et au
reflux de nos baisers dissolus !
La peur
C'est le matin, un beau matin plein de soleil et d'oiseaux, au parfum
vif et léger!
Je sors de la maison et marche d'un pas guilleret. Sur mon chemin, je
croise une vieille dame, un peu ratatinée, sans coquetterie. Je lui lance, par pur
plaisir, un bonjour étincelant comme un bouquet. Elle lève les yeux pour les baisser
aussitôt et presse le pas, l'air pincé...
Tant pis! Je lève les yeux au ciel et je souris.
Je vais chercher mon pain chez la boulangère, qui répond à mon
bonjour mais je ne peux voir son regard, car elle le garde fixé sur le pain qu'elle
enveloppe et la monnaie qu'elle me rend. Je pars en lui souhaitant une bonne
journée
Dehors à nouveau, je soupire un peu mais le soleil brille toujours. Un
chien m'observe en agitant sa queue et c'est à lui que je souris.
Passe un homme d'âge mûr, un peu voûté. Il me jette un regard et je
tente encore une fois un sourire mais le voilà qui détourne la tête, comme pris en
faute, comme s'il avait peur!
Alors je songe à la vieille dame, à la boulangère et à tous ces
gens pressés qui marchent dans les rues, dans les villes et les supermarchés !
Partout, trop souvent, je vois cette ombre posée sur leurs visages. La peur...
Mais peur de qui, peur de quoi? D'une jeune femme plutôt jolie,
plutôt joyeuse? Vivante!
Serait-ce donc ça? Auraient-ils peur de la vie, de la vie quand elle
déborde et qu'elle vient, l'insolente, frapper à la porte de leur cur? Quand elle
veut y pénétrer sans avoir été invitée?
Les gens sont effrayés par ceux qui, par le simple fait de leur
existence, les accusent de ne plus les voir.
Bonjour! Simple formalité mais si jamais cela se voulait un réel
désir de communication, les gens se ferment et s'offusquent. "Mais de quel droit? On
ne se connaît pas!"
Non? Alors justement, regardez-moi, regardez-moi vraiment!
Rencontrez-moi! Je suis venue au monde, dotée de tous mes sens et tout conspire à les
amoindrir. Tout ce qui dépasse du moule est voué à être tranché, par souci de
conformisme, de bienséance, au nom d'une morale qui n'en est pas une, car sous tous les
masques se cache la peur !
Nous avons désappris à parler, à regarder, à aimer et tout
simplement à vivre.
Les rues sont bondées de non-voyant, non-entendant, non-communiquant
qui se croisent chaque jour, chacun cloîtré dans sa peur, cette terrible peur de
l'autre! Si bien que des règles de plus en plus compliquées sont inventées pour pouvoir
s'approcher les uns des autres ! Des règles qui sont autant de barrières pour se
protéger!
Moi aussi jai peur, jai peur de votre peur !
----------------------------------------
Le site perso de Cathy
Garcia
"Décadence",
"La demoiselle", "Mémorial", font partie d'un recueil de 24 poèmes
"Pandémonium 1 - Les oiseaux déchirés -",(30 francs) qui va sortir sur papier
dans les semaines qui suivent aux éditions Clàpas , ( une maison d'édition associative, de
coeur et de qualité).
Vous pouvez également
dialoguer directement avec Cathy Garcia
 
|