Patrick Maunand : le promeneur littéraire

Fin 2000, Patrick Maunand, a créé l’Association Lire et Partir. Il anime, depuis, des promenades littéraires pour le plus grand bonheur des amoureux de Molière, La Fontaine, Baudelaire, Sand, Alain-Fournier, Balzac, Hugo, Simenon, Cocteau, Colette ou Zola.

Au-delà des promenades consacrées à un seul auteur, Patrick Maunand propose également des balades dans différents quartiers de Paris :

• Les écrivains américains à Montparnasse (années 1920-1930 : Hemingway, Fitzgerald, Dos Passos, Pound, Stein, Williams, Wolfe, Lewis, Nin, Miller.)

• Les écrivains du Jardin des plantes (Buffon, Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand, Michelet, Stendhal, Balzac, Hugo, Gautier, Nerval, Maupassant, Zola, Queneau, Paulhan, Perec,…)

• Les écrivains du village d’Auteuil (Molière, Boileau, La Fontaine, Racine, Voltaire, Hugo, Musset, les Goncourt, Lorrain, Proust, Apollinaire, Colette, Gide, Leiris, Mauriac…)

• Les écrivains de la butte Montmartre (Nerval, Zola, Bruand, Courteline, Romains, Bloy, Apollinaire, Jacob, Reverdy, Warnod, Mac Orlan, Aymé, Céline, Nucéra…)

Mais le jardin de Patrick Maunand ne se résume pas à Lutèce, il organise également des balades dans le Berry en compagnie de George Sand, en Provence où vécurent Char, Camus et Bosco, ou dans les Ardennes sur les traces de Rimbaud et Verlaine .

Patrick Maunand : le promeneur littéraire

Doté d’un vrai talent de conteur, ses promenades, sur les lieux où ont vécu nos grands auteurs, sont truffées d’anecdotes pittoresques et sont un vrai plaisir pour l’esprit.

A la veille de cette rentrée 2005, rencontre avec Patrick Maunand, promeneur littéraire passionné et passionnant, qui nous dévoile son parcours et nous parle de ses projets.

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Patrick Maunand, pouvez vous nous décrire votre parcours ?

Mon parcours est assez atypique. Je suis ingénieur de formation et n’ai pas vraiment de formation littéraire. Mais depuis toujours, j’ai la passion des lettres. Enfant déjà, j’adorais lire.

Je me suis retrouvé ingénieur, tout simplement parce que je me suis laissé guider par mes études. Ma scolarité se déroulait bien : en première C, j’avais un an d’avance, mais je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J’ai eu mon bac C juste avant mes 18 ans. J’ai passé plusieurs concours et ai été reçu dans une école d’ingénieur, l’ISEP, à Paris. Ma mère était ravie.

Ces études m’on terriblement ennuyé. Les maths avaient été jusqu’alors une matière où je prenais du plaisir. J’y voyais comme un jeu, alors que là, durant ces classes préparatoires, on me demandait d’apprendre par cour. Ma première année n’a pas été terrible. J’étais abruti par les études. Je n’ai pas pris le rythme. J’ai eu besoin de lire. Ce sont des années où j’ai beaucoup lu, alors que paradoxalement, je n’en avais pas le temps. Mes études en ont pâti mais c’était un besoin vital. Je me suis retrouvé en difficulté à la fin de ma première année. Ne souhaitant pas redoubler, j’ai suivi les conseils d’un ami et me suis présenté dans une école d’ingénieur, plus facile, à Rouen. J’ai réussi assez facilement le concours et me suis retrouvé dans les premiers en seconde année, alors que j’étais dans les derniers l’année précédente. J’ai trouvé dans cette seconde école, une meilleure ambiance. Les étudiants étaient plus sympathiques et profitaient de la vie. J’ai obtenu assez facilement mon diplôme, mais autant j’appréciais les cours théoriques, autant je détestais les travaux pratiques. Le côté pratique ne m’intéressait pas du tout.

Après ma coopération comme enseignant en Côte d’Ivoire, de longues vacances aux Etats Unis et l’IAE à Lyon, j’ai commencé à travailler à 25-26 ans dans une banque. J’étais chargé de la mise en place d’un système d’information. J’ai ainsi réalisé plusieurs études et mené différents projets d’organisation dans le domaine bancaire. Ça a duré 12 ans, jusqu’en 2000.

Patrick Maunand : le promeneur littéraire

Comment décide t-on de passer de l’activité d’ingénieur à celle de « promeneur littéraire » ?

Je ne me suis jamais vraiment senti à l’aise dans mon travail. Le métier d’organisateur dans une banque, le CIC Paris, dans un milieu assez jeune, était pourtant assez sympathique. Il fallait interviewer les gens, réorganiser les services. Toute la partie « contacts » me plaisait bien. Mais la finalité me laissait indifférent. Je me disais, dans ces années-là : travailler dans une entreprise, ça ne me correspond pas. Je ne me sentais pas concerné par les résultats de mon entreprise. C’était juste pour moi un travail rémunérateur qui me permettait de bien vivre.

J’ai quitté le CIC en 1999. J’ai pris une année sabbatique, et me suis lancé dans un premier projet dans le domaine littéraire. En 1995, déjà, j’avais créé avec un ami, qui était à la retraite, une première association qui s’appelait Le promeneur des lettres. Nous avons publié, pendant cinq ans, une vingtaine de guides sur des promenades littéraires (15 à Paris et 5 en province). J’en écrivais une par an et mon ami écrivait les trois autres.

Nous avons publié notamment : les écrivains de Montparnasse, les écrivains de Saint Sulpice, Les écrivains de l’Île Saint-Louis, le Paris d’Alphonse Daudet, les écrivains du Palais Royal la Bourgogne de Lamartine, la Bourgogne de Rétif de la Bretonne, la Lorraine de Maurice Barrès, la Normandie de Barbey d’Aurevilly, sur la trace des 3 mousquetaires dans le Béarn. A l’époque, on avait organisé des promenades, mais je n’en étais pas l’animateur. Après cette année sabbatique, j’ai retrouvé un travail dans le secteur bancaire.

C’est alors que, durant ma période d’essai, un matin de janvier 2000, après une nuit blanche, je me suis levé un matin, et j’ai dit à ma femme : « Je n’ai plus peur de ne pas gagner ma vie ». Je ne savais pas encore trop ce que j’allais faire, mais j’avais décidé de ne plus travailler dans ce métier.

A partir de là, j’ai rencontré une personne dont les conseils furent déterminants : Jean-Christophe Sarrot. J’avais lu un article sur lui dans le Magazine Littéraire. On s’est donné rendez vous dans un café et c’est lui qui m’a soufflé : « Mais pourquoi tu n’animerais pas des promenades ? En tant que jeune entreprise tu pourrais avoir des financements. Il m’a poussé à créer mon association » J’ai créé l’Association Lire et Partir fin 2000 et ai commencé à concevoir mes premières promenades.

Quel fut votre première promenade ?

C’était une promenade-conférence sur Colette et Cocteau au Palais Royal. J’avais associé ces deux écrivains qui avaient vécu au Palais Royal à la fin de leur vie. Le Palais Royal leur avait permis de se rencontrer. Colette vivait côté rue de Beaujolais tandis que Cocteau, lui, était Rue Montpensier. Nous nous rendions devant leurs appartements et ensuite je faisais ma conférence avec diapositives dans une salle à Saint-Germain l’Auxerrois.

Je suis fasciné par le personnage Cocteau : il est impressionnant, il a un talent extraordinaire. Colette, je suis moins impressionnée par le personnage, mais j’aime beaucoup son écriture qui est très sensuelle

Jusqu’à l’été 2001, j’ai fait trois promenades : Colette-Cocteau, Molière ( promenade entre L’institut de France, le Louvre, Palais Royal), et Baudelaire à l’Ile Saint-Louis (où il a vécu entre juin 1842 et septembre 1845)

Quels moments forts gardez vous de toutes ces promenades?

Deux moments m’ont particulièrement fait chaud au cour. Le premier, c’était durant une promenade sur Anaïs Nin et Henry Miller, à la villa Seurat près de Montparnasse. Nous nous sommes retrouvés au Square du Maine, près de la rue de la Gaieté. Au début des années 30, Miller logeait à l’hôtel Central, dans la chambre d’un ami d’origine viennoise, Alfred Perlès. Il vivait aux crochets des autres. Il était vagabond, et a vraiment découvert Paris dans la rue.

En parlant, je me sentais porté par le regard d’un clochard, situé juste en face du groupe. Je sentais son regard sur moi. A la fin ce clochard m’a abordé et m’a demandé si je connaissais Max et les phagocytes, un des livres de Miller ? L’histoire d’un personnage qui a des déboires, qui est abandonné par ses proches et qui se retrouve dans la rue.  » L’histoire de Max, m’a-t-il dit, c’est ma vie.  » Il m’a dit merci. C’était pour moi un moment extraordinaire.

Autre moment fort, lors d’une promenade au Carrefour de la rue Girardon et de l’Avenue Junot consacrée à Louis Ferdinand Céline, Marcel Aymé et au peintre Eugène Paul. J’évoquais le second mariage de Céline, en 1945. Nous étions alors devant l’atelier d’Eugène Paul. A ce mariage, il n’y avait que quatre participants : Céline et son épouse, ainsi qu’Eugène Paul et sa femme Gaby.

J’entends alors une voix derrière moi qui dit :  » Gaby, c’est moi. » Cette femme vivait toujours. Elle avait entendu que l’on parlait d’Eugène Paul et s’était approchée. Je lui ai demandé si elle voulait témoigner, mais elle n’a pas souhaité le faire. J’ai trouvé extraordinaire l’apparition de cette femme qui avait assisté au mariage de Céline et qui était là devant nous.

Vous avez organisé en juin 2005 une promenade pour le centenaire de la rencontre d’Alain-Fournier et d’Yvonne de Quiévrecourt sur les marches du Grand Palais (rencontre qui a donné naissance au Grand Meaulnes et qui a inspiré à Alain-Fournier le personnage d’Yvonne de Galais ). Pouvez vous évoquez cette journée ?

J’ai beaucoup aimé cette promenade que j’avais organisée à la demande des amis d’Alain-Fournier et de Jacques Rivière. En la préparant, j’ai vraiment découvert Alain-Fournier, un écrivain avec de très belles images, une belle écriture. Ses textes parlent au cour, ils me touchent.

Lors de cette journée, j’ai senti un groupe très proche de l’auteur, avec une écoute très forte. Je n’avais pas ressenti cela jusque là. Les participants, fidèles d’Alain Fournier, prenaient plaisir à écouter ce récit. C’était très émouvant.

Comment s’organise votre activité ?

Elle comporte deux facettes très différentes :

La partie conception, préparation. On pénètre dans l’ouvre et dans la vie de l’écrivain : ça c’est passionnant. Un de mes derniers grands plaisirs fut de me plonger dans la vie de Rimbaud et de Verlaine en Ardenne.

Et puis, il y a l’animation des promenades. Là, il faut accepter d’être un peu acteur. Quand j’étais gamin, j’aimais bien faire rire. Prendre la parole en public, ça me motive. Je suis d’ailleurs meilleur quand j’ai un public nombreux que lorsqu’il n’y a quelques personnes. Ce qui est important, c’est le groupe. Quand je sens qu’il y a une écoute très forte, que le groupe aime l’auteur, c’est un vrai bonheur.

Quels sont vos projets pour la rentrée ?

Pour le second semestre 2005, je propose 5 promenades, parmi lesquelles 3 nouveautés :

– la jeunesse de Balzac au Marais, mardi après-midi 13 septembre – la jeunesse de Claudel à Paris, samedi après-midi 24 septembre (on fête cette année le cinquantenaire de sa mort) – Verlaine au Quartier latin, samedi matin 1er octobre – Baudelaire à Paris, samedi 8 octobre (la journée) – les écrivains du village d’Auteuil, vendredi après-midi 21 octobre

J’ai également en préparation un livre sur Montmartre : les écrivains de la Butte.