A la recherche de Papali, de Joëlle Rochard

Babou regarda par la fenêtre… Il faisait beau. Il fit son petit baluchon, le jeta sur son épaule et sortit tranquillement par la porte de la maison. L’enfant partit tout droit sur le chemin, c’était la seule route qu’il connaissait, et Papali, son grand-père, s’en allait toujours par là pour rentrer chez lui !

Cela faisait longtemps, beaucoup trop longtemps que Babou attendait Papali. Le vieil homme ne venait plus. Alors le garçon s’était dit que cette fois-ci il irait le voir dans sa maison. Mais il n’y était jamais allé. L’enfant savait seulement que son grand-père habitait au bout du chemin.

Soudain, il fut surpris de voir une rivière en travers de sa route. Il ne pouvait aller plus loin. Babou regardait l’eau écumeuse tourbillonner, et se disait qu’il ne pourrait pas traverser parce qu’il ne savait pas nager.

« Tant pis, pensa-t-il, je vais attendre qu’elle s’arrête de couler ! » et il s’assit sur la berge… Le garçon attendit, attendit, attendit, mais l’eau coulait toujours autant… Alors Babou décida de chercher le début de l’eau afin de poursuivre son voyage.

Il remonta le long de la rivière et rencontra un crocodile :

– Monsieur Crocodile, sais-tu où est le début de l’eau? Je veux traverser pour aller voir Papali mais l’eau n’arrête pas de couler ! dit l’enfant.
– J’ai déjà nagé jusqu’au bout de la rivière. J’y ai trouvé l’immense mer bleue et les grands voiliers blancs. Mais je n’ai jamais vu le début de l’eau ! grogna le crocodile.

Babou salua le crocodile et reprit sa route. Il rencontra alors un perroquet et lui demanda :

– Monsieur Perroquet, sais-tu où est le début de l’eau ? Je veux traverser pour aller voir Papali mais l’eau n’arrête pas de couler !
– J’ai déjà vu la pluie tomber du ciel dans la rivière. Je suis monté plus haut que les nuages, mais je n’y ai pas vu le début de l’eau ! caqueta le perroquet.

Babou salua le perroquet et reprit sa marche. Il croisa finalement un saumon couleur argent et l’interpella :

– Monsieur Saumon, sais-tu où est le début de l’eau ? Je veux traverser pour aller voir Papali mais l’eau n’arrête pas de couler !
– Je suis déjà allé au plus profond de la rivière et je l’ai remontée aussi haut que j’ai pu. J’y ai vu les cailloux blancs et ronds, les mousses vertes, les bulles légères du torrent. Mais je n’ai pas trouvé le début de l’eau petit homme ! dit le poisson en plongeant dans l’eau vive.

Babou salua le saumon couleur argent et poursuivit son chemin.

Bientôt, l’enfant constata que la rivière devenait de plus en plus étroite et qu’il allait enfin pouvoir passer de l’autre côté. Mais intrigué il vit sous un rocher, un trou d’où sortait l’eau claire : c’était la source.

– Voilà le début de l’eau ! cria-t-il tout joyeux. Comme il s’apprêtait à enjamber le ruisseau, il entendit une jolie chanson. Qui pouvait bien chanter ? En fouillant tout autour dans les herbes, Babou vit un passage qui s’enfonçait dans la terre.

Inquiet, mais trop curieux le garçon se faufila dans la galerie sombre, attiré par la musique qu’il entendait de mieux en mieux… Habitués à l’obscurité, ses yeux distinguèrent bientôt une grotte ronde au centre de laquelle une très belle jeune fille fredonnait. Ses longs et fins cheveux blonds recouvraient les rochers alentour et formaient une immense auréole de lumière autour de son visage. Le long de chaque cheveu, de minuscules gouttelettes d’eau scintillante s’écoulaient, tombaient dans une grande vasque nacrée qu’elle tenait au creux de ses bras.

La belle lui sourit et lui demanda :

– Qui es-tu ?

Intimidé, il bredouilla :

– Je suis Babou . Je voulais trouver le début de l’eau et traverser la rivière pour aller voir Papali.
– L’as-tu trouvé ? lui demanda-t-elle.
– Je croyais que la source était le début de l’eau. Puis j’ai entendu ta chanson et maintenant je ne sais plus ! soupira-t-il
– En fait, la pluie pénètre la terre, coule le long de mes cheveux et remplit le grand lac que tu vois à mes pieds. Puis, l’eau s’écoule par le petit trou que tu as vu sous le rocher, répondit la jeune fille.
– Mais où se cache l’eau du ciel ? questionna Babou.
– Comme tu es curieux ! lui dit-elle en riant. Lorsque la terre a trop chaud, le soleil fait monter de la mer une poussière de gouttelettes d’eau qu’il assemble en nuages. Il demande ensuite au vent de les pousser vers les montagnes pour que la neige ou la pluie rafraîchisse la terre ! Voilà tout !
– Mais alors où est le début de l’eau ? redemanda l’enfant.
– Il n’y en a pas, petit, car l’eau passe de la terre à la mer, de la mer au ciel et du ciel à la terre depuis la nuit des temps, à l’infini.

Emerveillé, il s’approcha d’elle et lui dit ;

– Merci jolie princesse de m’avoir raconté cette histoire. Je dois partir maintenant ; mais… toi qui sais tant de choses, pourrais-tu m’aider à trouver le chemin pour rejoindre Papali ?
– Bien sûr, dit-elle. Marche jusqu’aux trois grands arbres après la source. Au pied de la colline tu verras sa maison… Ton grand-père ne vient plus te voir car il est trop vieux pour marcher jusqu’à ton village.

Babou pencha la tête tristement et sentit rouler une larme sur sa joue. Alors la fée la recueillit au bout de son doigt, souffla doucement dessus et l’enfant vit rouler au creux de sa main une goutte de diamant.

– Ne pleure pas petit homme. La vie et l’eau ont un peu la même histoire, alors offre la goutte magique à Papali. Elle lui donnera la force de vivre très, très longtemps pour te regarder grandir.

Puis elle lui dit au revoir en souriant.

Lorsque, tout heureux, Babou retrouva la lumière, il courut comme un fou jusqu’aux trois grands arbres et vit enfin, tout en bas, … la maison de Papali qui l’attendait !