Interview de Camille Yolaine

C’est toujours un moment magique de lire un premier roman, de découvrir un nouvel univers, une nouvelle écriture, une nouvelle romancière. Surtout lorsqu’une fois le livre refermé, on reste fasciné par ses personnages et le récit qu’on vient de lire en apnée.

Alalettre a eu beaucoup de plaisir à lire « J’aime » de Camille Yolaine ( Albin Michel) et a eu envie d’en savoir plus sur l’histoire de ce roman et le monde de cette jeune romancière, pour le partager avec vous.

Camille Yolaine sur Instagram (@valentinemartinduchene)

Lorsqu’on demande à Camille Yolaine, de se définir, elle répond avec beaucoup de spontanéité : « Pêle-mêle, je suis : Alsacienne d’origine, Parisienne convertie depuis plus de 13 ans, amoureuse des mots depuis toujours, ancienne khâgneuse, créatrice de contenus, entrepreneuse, grande lectrice … ». 


–       Comment est né ce roman ?

Camille Yolaine : Ce roman est né en juillet 2021, lors d’un alignement des planètes propice à la création littéraire : je me suis retrouvée seule en vacances pour la première fois de ma vie sur une île, où pour tromper ma solitude je lisais jusqu’à deux livres par jour. C’était aussi un moment où j’échangeais par mail avec David Foenkinos, qui a été très bienveillant et m’a encouragée dans mes envies d’écriture. J’ai donc sorti du placard quelques passages que j’avais commencé à écrire sans trop savoir où j’allais, et je me suis jetée à l’eau (enfin, à l’encre) pour tenter d’en faire quelque chose. En revenant à Paris, j’étais quasiment incapable de retrouver la même productivité. J’écrivais des paragraphes par-ci par-là mais c’était assez compliqué de trouver l’espace mental suffisant dans mon quotidien rythmé. Je suis donc repartie sur la même île, au même endroit, aux mêmes dates l’année suivante, où j’ai fini ma première version du manuscrit.  

–        Pouvez-vous nous présenter Lou Trenet et Diane, les deux héroïnes de « J’aime » ?

CY : Diane est photographe, elle vient d’un milieu modeste, elle représente l’ambition et l’envie. Lou est une influenceuse que Diane admire d’abord pour des considérations purement superficielles : elle est belle, bien née, relativement célèbre. Lou repose d’abord entièrement sur une apparence, et va peu à peu prendre vie sous le regard de Diane. 

–        Nous vivons ce récit du point de vue de Diane. Comment est né ce choix ?

CY : Je me suis beaucoup amusée à parler d’Instagram d’un double point de vue, celui de Diane en tant que narratrice et celui de Lou dans les dialogues ou les phrases à la volée. Je ne voulais surtout pas que le livre soit une autobiographie ou une enquête-choc sur les dessous de l’influence, et pour cela il fallait vraiment que j’aille puiser dans ma vie avant qu’Instagram ne déboule et change pas mal de choses. Diane a beaucoup de torts, mais c’est avant tout une esthète : elle est fascinée par la beauté presque cinématographique de Lou et de son monde, et j’ai ça en commun avec elle. Décrire tout cela du point de vue de Lou aurait à mon sens rendu le récit plus creux, peut-être, puisqu’elle est pétrie d’illusions et très déconnectée de la réalité.  

–        Vous avez plus de 500 000 abonnés sur Instagram. Quels sont vos meilleurs souvenirs ? et les pires ?

CY : Je suis consciente de ma chance. Je pense que mes meilleurs souvenirs sont directement liés aux opportunités que ce métier permet, notamment aux personnes que j’ai pu croiser grâce à cette plateforme : Instagram est un tremplin incroyable. J’ai pu rencontrer des photographes, des écrivains, des artistes, des réalisateur.rices absolument formidables via la taille de ma communauté : le fait d’avoir le petit v bleu des profils certifiés fait remonter directement dans les messages privés, et comme je suis assez spontanée, ça m’arrive souvent d’écrire à quelqu’un que j’admire en lui proposant de prendre un café ! 

En ce qui concerne les pires souvenirs, je pense qu’il s’agirait du revers de la médaille. Le mail incendiaire que Lou reçoit de la part d’une de ses followers déçue de son attitude dans la « vraie vie » est un message que j’ai reçu quasiment au mot près. Ça fait partie du jeu, mais les gens oublient parfois que cela reste un métier de représentation, et qu’on ne peut pas toujours être un moodboard solaire et souriant. Ma vie privée était houleuse à ce moment, et c’est venu appuyer à un endroit douloureux : même en pleine crise personnelle, j’avais le sentiment d’avoir des comptes à rendre. 

–        Avez-vous connu sur les réseaux sociaux des « abonnés » ou « followers » ayant inspiré ce récit ?

CY : Fort heureusement, personne comme Diane ! C’est un personnage pour lequel j’ai tiré le fil de l’obsession à l’extrême. Mais j’ai déjà eu des messages d’abonnés un peu fascinés par moi, qui voulaient absolument tout savoir de moi ou devenir mes amis. J’ai de la tendresse pour ces personnes : sur le coup ça fait un peu peur, c’est sûr, mais ils habitent souvent loin et j’essaie de leur envoyer un message bienveillant. Sauf s’ils dépassent les bornes : il y a quelques années, j’ai conseillé très sérieusement à un type d’aller se faire suivre car son comportement était pathologique, et deux ans plus tard, il m’a écrit pour me remercier parce qu’il avait entamé une thérapie qui l’avait radicalement aidé ! C’était fou. 

Camille Yolaine sur Instagram (@club_rattrapages )

–        Quel regard portez-vous aujourd’hui sur Instagram ? Tik Tok ? et sur les influenceurs et influenceuses ?

CY : C’est difficile d’avoir un seul regard sur Instagram. C’est un miroir de notre société, certes, mais il est déformant en plus d’être à facettes…. Certaines choses sont accentuées à l’extrême, d’autres tout simplement cachées, d’autres carrément inventées ou falsifiées. C’est d’ailleurs déroutant à quel point l’algorithme est une montagne russe perpétuelle, on passe de jolies photos de vacances aux dernières pires nouvelles d’actualité, d’une photo de mode à un post larmoyant… Il faut avoir beaucoup de sens critique et de distance pour ne pas s’y perdre. C’est à la fois un merveilleux outil et un trou noir. 

Je ne connais pas TikTok, j’y ai un compte que j’ai vite abandonné car ce n’est pas du tout le même genre de contenu qu’il faut créer, et cela me ressemble moins. 

–        Vous avez publié sur votre compte Instagram, une photo d’enfance avec ce message très émouvant : « C’est à toi, petite Camille, que je dédie mon premier roman. Toi qui écrivais des histoires sur des feuilles A4 avant de les plier en deux puis de les agrafer pour faire ‘’comme un vrai livre’’ ».
A l’aube de la parution de ce premier roman, que ressentez vous ?

CY : Beaucoup de fierté et d’émotion, bien sûr. Je me sens où je dois être … sans m’y sentir forcément légitime, mais ça c’est mon syndrome de l’imposteur dont je dois me défaire, je pense ! J’ai à la fois hâte et peur de savoir ce que les lecteurs vont penser de mon livre. Et je songe déjà au deuxième, car je ne compte pas m’arrêter là. 

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