Le Rouge et le Noir de Stendhal

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Contexte

Stendhal a publié Le Rouge et le Noir en 1830. Il a alors quarante sept ans. Le Rouge et le Noir est son second roman. Il avait publié Armance en 1827

L’intrigue de ce roman a été inspirée à Stendhal par un fait divers dont le dénouement eut pour cadre les assises de l’Isère, son département d’origine. En 1827, Berthet, fils d’un artisan et jeune séminariste a été jugé et condamné à mort pour avoir assassiné en pleine messe son ancienne maîtresse , l’épouse d’un notable qui l’avait engagé comme précepteur de ses enfants.

Résumé du roman

L’action se passe sous la Restauration, à Verrières, une petite ville du Jura. Julien Sorel a dix-neuf ans. C’est un jeune homme d’origine modeste. Il est le fils d’un charpentier brutal. Sa condition le prédestine aux travaux de force. Mais Julien Sorel, ambitieux , rêve de gloire et s’évade dans la littérature . Il puise son imagination dans les Confessions de Rousseau, Les Bulletins de la Grande Armée, et Le mémorial de Sainte Hélène.

Il est fasciné par le prestige de Napoléon, et se verrait bien épouser une carrière militaire. Mais sur les conseils de l’abbé Chélan, le curé de son village, il envisage d’entrer au séminaire. Cela lui parait en effet la seule voie judicieuse d’ascension sociale « dans une société frileuse où la naissance roturière est redevenue un handicap après le grand brassage égalitaire opéré par la Révolution et l’Empire ».

Grâce à l’abbé Chélan, qui l’a pris en sympathie et qui lui a enseigné le latin, Julien est engagé par Monsieur de Rénal, le maire légitimiste de la ville. Ce dernier, par vanité, recherche un précepteur pour ses enfants. Il juge en effet nécessaire d’avoir recours à un tel service pour soutenir son rang face au train de vie qu’affiche Monsieur Valenod, directeur du dépôt de mendicité.

Timide et indocile dans un premier temps, Julien Sorel ne tarde pas à trouver un certain attrait à cette nouvelle vie. Il tombe sous le charme de Mme de Rênal et devient son amant. Mme de Rênal l’initie aux intrigues de la petite ville et aux mesquineries de la bourgeoisie locale.

Grâce à la tendresse qu’elle lui manifeste Julien connaît alors un bonheur éphémère. A l’occasion de la visite d’un roi à Verrières, Julien le cœur empli de joie et de fierté défile à cheval , dans un bel uniforme. Cette soudaine ascension sociale fait jaser dans la petite ville.

La maladie de son jeune fils réveille les remords de Mme de Rênal, qui se croit punie par Dieu; tandis qu’à l’inverse cette crise morale décuple l’amour de Julien. Le soir même , une lettre anonyme adressée à M de Rênal dénonce cet adultère. Colère du mari trompé qui oblige Julien à quitter verrières. Ce départ n’altère en rien l’amour profond que lui porte Mme de Rénal, et qui ne se démentira pas.

Julien, lui, décide de se rendre au séminaire de Besançon. Arrivé dans cette ville, il s’arrête dans une auberge et noue une intrigue avec Amanda Binet, l’une des serveuses. Il évite de peu une altercation avec l’un de ses prétendants et se présente tout tremblant devant le portail sombre du séminaire.

Après son apprentissage au sein de la bourgeoisie de Verrières, Julien se retrouve au séminaire. Il est reçu par l’abbé Pirard, le directeur du séminaire, qui après avoir lu la lettre de recommandation que lui a adressé l’abbé Chélan, janséniste comme lui, prend Julien Sorel sous sa protection. Ce dernier se retrouve pourtant parmi des séminaristes qui sont pour la plupart frustres et grossiers. Il y passe des moments pénibles jusqu’à ce que l’abbé Pirard lui propose de devenir le secrétaire du Marquis de la Mole. Julien quitte le séminaire, puis rend, au prix d’une dangereuse escalade, une dernière visite de nuit à Mme de Rénal. Il doit abandonner à l’aube cette femme plus passionnée que jamais et s’enfuir sous les coups de fusil vengeurs de M. de Rénal. Il part pour Paris afin de prendre ses fonctions auprès du Marquis de la Mole.

Le marquis de La Mole, personnalité influente du faubourg Saint-Germain, remarque très vite l’intelligence et la personnalité hors du commun de Julien . Ce dernier est à la fois fasciné et plein de mépris vis à vis de ce monde aristocratique qu’il découvre. Il fait la connaissance « d’une jeune personne, extrêmement blonde et fort bien faite qui vient s’asseoir vis à vis de lui. Elle ne lui plut point.  » Cette jeune femme est Mathilde de la Mole, la fille du marquis. Lors d’un bal donné à l’hôtel de Retz, Julien scandalise de jeunes aristocrates et s’attire l’admiration de Mathilde. Elle ne tarde pas à s’éprendre de lui , en qui elle estime une âme noble et fière et une énergie qui tranche face à l’apathie des aristocrates de son salon.

Mathilde lui donne un rendez vous nocturne dans sa chambre et se donne à lui. Puis quelques jours après, elle le congédie comme un domestique , lui avouant qu’elle ne l’aime plus et que son imagination l’a trompée.

Ayant gagné la confiance du Marquis, Julien est chargé, par ce dernier d’effectuer une mission secrète : aller à Strasbourg pour transmettre le compte rendu d’une réunion de conspiration à laquelle il a assisté en tant que secrétaire . Après avoir rempli sa mission, Julien rencontre le prince Korasoff, dont il s’était fait un ami . Le prince le devine amoureux. Sur ses conseils, il entreprend de séduire la Maréchale, Madame de Fervacques. Rendue jalouse par cette manœuvre, Mathilde de la Mole se rend compte qu’elle est amoureuse de Julien. Elle lui avoue qu’elle est enceinte et prévient son père de son souhait d’épouser son secrétaire. Julien est immédiatement convoqué par le Marquis. Il parviendra à calmer son courroux et Mathilde réussira à convaincre son père de la laisser épouser Julien. Le marquis fait anoblir Julien , qui devient ainsi le Marquis Sorel de Vernaye, et lui permet d’obtenir un brevet de lieutenant.

Julien s’apprête à épouser Mathilde de la Mole, lorsqu’une lettre de madame de Rênal adressée au Marquis de la Mole dénonce l’ambition et l’immoralité de son ancien amant. Julien , ivre de colère, se rend de Paris à Verrières , entre dans l’église et tire, en pleine messe, sur son ancienne maîtresse , sans toutefois la tuer.

Emprisonné, rendu à sa solitude, Julien se rend compte qu’il n’a jamais cessé d’aimer Mme de Rênal. Il médite sur sa destinée et mesure l’étendue de la vanité de ses efforts de réussite sociale. Jugé, il est condamné à mort. Malgré les interventions pressantes de ses deux maîtresses, il renonce à faire appel. Son exécution capitale précède de quelques jours la mort de Mme de Rénal.

Laura Jacquemelle

Jugements critiques de Mérimée, Zola, Léautaud, Gide …

« Un de vos crimes c’est d’avoir exposé à nu et au grand jour certaines plaies du cœur humain trop salopes pour être vues… Il y a dans le caractère de Julien des traits atroces, dont tout le monde sent la vérité mais qui font horreur. Le but de l’art n’est pas de montrer ce côté de la nature humaine. »

Prosper Mérimée, Lettres à Stendhal

« Beyle, un scélérat d’idées, je le sais, mais l’écrivain qui a pensé avec tant de vigueur Le Rouge et le Noir et la Chartreuse de Parme, cet homme qui, avec sa noirceur et ses perversités, brille d’une lueur sombre et dure au premier rang des puissances littéraires de son temps. »

Jules Barbey d’Aurevilly, Le Pays, 11 mai 1855

« Notre plus grand romancier, Stendhal, étudiait les hommes comme des insectes étranges, qui vivent et meurent, poussés par des forces fatales; son seul souci était de déterminer la nature, l’énergie, la direction de ces forces; son humanité ne sympathisait pas avec celle de ses héros, il restait supérieur à leur misère et à leur folie, il se contentait de faire son travail de dissection, exposant simplement les résultats de ce travail. L’œuvre du romancier doit cesser où commence celle du moraliste. »

Emile Zola, causeries dramatiques, 1881

« Pas une ligne pour le joli, pour le pittoresque, pour l’amusement. Toujours quelques chose, toujours de l’intérêt. »

Paul Léautaud, Journal Littéraire, 1905

« Pourquoi Julien hésite-t-il entre l’uniforme et la soutane ? … parce qu’il est un jeune homme de la restauration, encore enchanté du prestige de Napoléon et qui, dévoré d’ambition, se rend compte que le moyen de parvenir n’est plus au bivouac… Cette continuelle oscillation entre l’Armée et l’Eglise devrait nous donner l’idée d’un temps bien vieux. Il n’en est rien parce que l’auteur a su mettre un dessous permanent à ses accidents. Si Julien hésite dans sa carrière, s’il est ému jusqu’à la frénésie par son adaptation à la vie parisienne, c’est qu’il est un plébéien en transfert de classe… Plus nous avançons dans la démocratie, plus le chef d’oeuvre de Stendhal devient actuel. »

Paul Bourget, Préface au Rouge et le Noir, 1923

« Le Grand secret de Stendhal, sa grande malice, c’est décrire tout de suite… De là, ce quelque chose d’alerte et de primesautier, de disconvenu, de subit et de nu qui nous ravit toujours à neuf dan son style. On dirait que sa pensée ne prend pas la peine de se chausser pour courir. »

André Gide, Journal, 3 septembre 1937

« Cet homme que j’aime si peu et dont je ne puis ouvrir un livre que je n’en dévore aussitôt quelques pages, comme il me déplaît et comme je l’admire. »

Julien Green, Journal, 1948