L’Ecole des femmes

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L’école des femmes de Molière, avec Pierre Arditi dans le rôle d’Arnolphe, fait l’ouverture ce vendredi 6 juillet 2001 du 55ème Festival d’Avignon, en plein air dans la cour d’honneur de l’ancien palais des papes.

C’est le metteur en scène Didier Bezace, directeur depuis 1997 du Centre dramatique national d’Aubervilliers, qui en assure la mise en scène.

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La biographie de Molière

 

Résumé de L’Ecole des femmes

Comédie en 5 actes et en vers, créée au Palais Royal le 26 décembre 1662, et publiée chez De Luynes, le 17 mars 1663.

Acte I

Arnolphe, qui bien que se vantant du contraire, a toujours craint d’être cocu. Il informe son ami Chrysalde de son intention de se marier. Il envisage d’épouser sa pupille, Agnès, qu’il a fait élever, dès l’âge de 4 ans, dans un couvent en prenant soin de la priver de toute instruction :

 » Dans un petit couvent, loin de toute pratique,
Je la fis élever selon ma politique ;
C’est-à-dire, ordonnant quels soins on emploierait
Pour la rendre idiote autant qu’il se pourrait.
Dieu merci, le succès a suivi mon attente ;
Et, grande, je l’ai vue à tel point innocente,
Que j’ai béni le ciel d’avoir trouvé mon fait,
Pour me faire une femme au gré de mon souhait ».

Agnès est maintenant enfermée dans une maison où elle est gardée par un valet et une servante , un peu simples, Alain et Georgette.

De retour , après dix jours de voyage, Arnolphe, qui se fait aussi appeler M. de la Souche, rencontre Horace, le fils de son ami Oronte. Arnolphe encourage Horace à se distraire, notamment en cherchant fortune aux dépens de maris imprudents. Il se propose même de lui donner de l’argent pour l’aider à conquérir ces femmes volages. Horace lui raconte assez naïvement qu’il n’a pas attendu ses conseils et qu’il est déjà parvenu à conquérir le cœur d’une jeune fille, Agnès, pupille d’un certain M. de la Souche, personnage tyrannique et ridicule. Il a profité de l’absence de ce dernier pour faire la cour à Agnès. Arnolphe, vexé, dissimule difficilement son agacement .

Acte II

Arnolphe s’en prend alors à ses domestiques leur reprochant d’avoir laissé un homme s’approcher d’Agnès. Puis il est vite rassuré par le récit ingénu que lui fait la jeune fille de sa rencontre avec Horace. Le jeune séducteur n’a pas profité de la situation pour ternir la réputation de la jeune pupille. Arnolphe exploite cette situation, redevenue favorable, pour annoncer à la jeune fille qu’il souhaite hâter son mariage. Agnès pensant que son tuteur souhaite lui permettre d’épouser Horace exprime toute sa reconnaissance à Arnolphe. Celui-ci rompt brutalement le quiproquo en lui indiquant que c’est de leur mariage à eux deux qu’il s’agit.

Acte III

Pensant avoir rétabli la situation à son profit, Arnolphe se prépare au mariage. Il enseigne à Agnès ses devoirs et lui dresse un tableau terrifiant des conséquences de l’infidélité conjugale. Agnès acquiesce sans aucune protestation. Arnolphe se réjouit de la bonne tournure de ses projets matrimoniaux et s’apprête à savourer la défaite d’Horace, son jeune rival.

Lors d’une nouvelle rencontre d’Arnolphe et d’Horace , ce dernier concède , pour le plus grand bonheur de son adversaire, que ses amours connaissent un certain revers. Les domestiques l’ont empêché de voir sa bien-aimée, puis Agnès l’a chassé en lui lançant une pierre. Mais heureuse surprise, la pierre était accompagnée d’une lettre d’amour. Pendant qu’Horace se réjouit à nouveau de cette marque passionnée, Arnolphe a du mal à cacher son dépit et sa colère.

Arnolphe qui se retrouve seul, médite sur la jalousie qu’il éprouve. Il découvre qu’il est tombé amoureux de sa prisonnière. L’aveu d’Horace lui fait prendre conscience qu’il ne souhaite plus simplement posséder Agnès ; il souhaiterait aussi être aimé d’elle.

Acte IV

Arnolphe décide de faire face. Il n’accepte pas de s’avouer vaincu par ce « freluquet ». Il lui faut pourtant admettre son incapacité à conquérir le cœur d’Agnès. Il décide d’enseigner à ses valets les façons d’éconduire Horace. Celui-ci apparaît et raconte la dernière aventure qui lui est arrivé. Alors qu’Agnès l’avait clandestinement introduit dans sa maison et l’avait fait monter jusque dans sa chambre, M. de la Souche est arrivé, plein de colère. Vite Agnès l’a enfermé dans une armoire pour le cacher et lui a donné un nouveau rendez-vous pour le soir même.

Ainsi averti par Horace, qui ne se doute toujours de rien,Arnolphe prend alors des mesures et demande à ses valets de défendre la maison. Lorsque le « galant » sera au sommet de l’échelle prêt à s’introduire dans la chambre d’Agnès, ordre leur est donné de faire pleuvoir sur lui une pluie de coups de bâton.

Acte V

Arnolphe est contrarié, ses domestiques ont trop bien respecté ses consignes et Horace, est allongé, sans vie, devant la maison. Mais coup de théâtre, alors qu’Arnolphe s’apprête à constater cet accident, Horace apparaît devant lui. Il lui avoue, qu’étant tombé de l’échelle, il a préféré faire le mort que de recevoir de nouveaux coups. Il concède également qu’Agnès est venue à son secours et lui a indiqué son souhait de ne plus retourner chez son tuteur. Ironie du sort ou naïveté suprême, Horace demande à son ami Arnolphe de protéger Agnès pendant quelque temps , en attendant qu’il puisse l’épouser. Dans une demi obscurité, Agnès change ainsi de défenseur, passant de la protection d’Horace à celle d’Arnolphe.

Le transfert ayant eu lieu, Arnolphe se fait reconnaître par Agnès et lui exprime de vifs reproches. Agnès écoute avec une grande indifférence ce mélange de menace et de déclaration d’amour. Arnolphe lui promet de l’enfermer dans un couvent, mais il est décontenancé par la passivité de celle qu’il aime.

Arrive alors Oronte, le père d’Horace, qui souhaite marier son fils avec la fille d’Enrique, un seigneur revenu en France après une longue absence. Horace implore Arnolphe et le supplie de l’aider . Celui accepte avec beaucoup d’ironie.

Arnolphe se moque avec beaucoup de cruauté d’Horace, et lui apprend qu’Arnolphe et M. de La Souche sont la même et unique personne. C’est alors qu’il apprend qu’Agnès est la fille d’Enrique. Grâce à un hasard généreux, tout est bien qui finit bien pour Agnès et Horace, les jeunes amoureux. Arnolphe, lui est anéanti, et quitte la scène complètement désespéré.

1662: L’année de l’Ecole des femmes

Molière a 40 ans . Il épouse cette année-là Armande Béjart, la fille de Madeleine Béjart. Ce mariage avec la fille de sa maîtresse, lui vaut d’être accusé de relations incestueuses avec cette personne qui pourrait être sa fille.

Il réussit son coup de maître en écrivant l’Ecole des femmes, la première des comédies de la maturité, en cinq actes et en vers. Cette pièce, qui soulève des questions importantes (l’institution du mariage et l’éducation des filles), tranche nettement avec les thèmes habituels de la farce ou de la comédie à l’italienne. Innovation littéraire en même temps que critique originale de la société du temps, elle irrite certains auteurs concurrents autant qu’elle choque les tenants de la morale traditionnelle.

L’Ecole des femmes connaît un énorme succès, et vaudra à Molière une longue polémique. Cette querelle occupera toute l’actualité littéraire de l’année 1663, avec ses pamphlets, ses textes satiriques et ses quolibets.

La solitude d’Arnolphe

Entre comédie et tragédie, L’École des femmes reprend le thème classique du conflit entre l’âge de raison et l’âge rebelle à la raison. Mais Molière va plus loin qu’il n’est jamais allé. Dans la relation d’Arnolphe, qui veut arrêter à sa porte le mouvement du monde, et d’Agnès, mise à l’écart pour être modelée à huis-clos, il y a des éléments de mythologie : la naissance d’une femme, un conte à la Pygmalion, la lutte personnelle d’un homme avec un destin inéluctable. Arnolphe veut fabriquer un être à sa mesure. En scène pendant trente et une scènes (sur trente-deux), il mène son combat en multipliant les gestes propitiatoires. Il y a un défi en lui, mais c’est un défi de démiurge bourgeois, aspiré par le conservatisme, hanté par un rêve enfantin et destructeur.

Autour de lui, un groupe de gens qui n’est pas encore la famille constituée des pièces à venir fait résistance à cette tyrannie obsessionnelle. Il tente de révéler au tyran combien il est dans l’erreur, combien il est ridicule, combien il est cruel, combien il se trompe dans sa vision du monde. Mais Arnolphe ne les entend pas, ne les voit pas. Il échouera face à Agnès, une jeune fille autodidacte qui a en elle la grande force de la naïveté. Arnolphe est seul. Il est l’homme d’un projet solitaire.

Peut-être faut-il lire aujourd’hui L’École d’Arnolphe tout autant que L’École des femmes, il se pense le maître du jeu alors qu’il a toujours cinq actes de retard sur les autres personnages. Mais c’est lui le cœur de la pièce. Obsessionnel et malheureux. Odieux et poignant. Monstrueux et humain. Pensif et pensant. Une conscience isolée que le spectacle, en créant une relation intime au sein d’un immense espace mythique, va rapprocher du double millier de consciences réunies chaque soir dans la Cour d’honneur.

Arnolphe, en même temps que la pièce, passe son temps à frôler le tragique. La représentation pourra se situer dans cette incertitude des genres, en se souvenant que Molière, créateur du rôle, venait de découvrir qu’il ne serait jamais accepté comme tragédien et que, s’il entendait dire des choses terribles sur l’humanité, il ne pourrait le faire qu’en faisant rire.
Didier Bezace est l’un des metteurs en scène les plus fidèles au festival d’Avignon. Ses plus récents spectacles étaient le cycle C’est pas facile construit avec des textes de Bove, Brecht et Tabucchi et la pièce de Hristo Boytchev, Le Colonel-oiseau. Son optique est celle d’un théâtre populaire d’aujourd’hui, où le public vient retrouver les valeurs auxquelles il est attaché. Quelle histoire d’aujourd’hui peut-on et veut-on raconter avec un grand classique ? Le cheminement d’Arnolphe et l’infinie exposition de son obsession trouvent leur traduction scénique dans la collaboration entre Didier Bezace et Pierre Arditi. Un grand acteur éclaire une œuvre d’un jour nouveau. Leur recherche commune fait vibrer, d’une moderne sensibilité, la solitude d’Arnolphe, seul contre tous au pied de la muraille.

Pour en savoir plus

Source bibliographique

Molière , Fernand Egéa , Balises ( Editions Nathan)
l’Ecole des Femmes ,Jean Butin
, profil d’une oeuvre ( Editions Hatier)
Le Robert des Grands Ecrivains de langue française
50 romans clés de la Littérature française de Jean-Claude Berton, ( Hatier)
Kléber Haedens  Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions Larousse)