Rastignac, ou les Ambitieux d’Honoré de Balzac

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Rastignac ou les Ambitieux

rastignac ou les ambitieux

Eugène de Rastignac, personnage balzacien

Eugène de Rastignac, héros balzacien s’il en est, figure dans le Père Goriot, Les Illusions perdues, Etude de femme, La Peau de chagrin, La Maison Nuncigen…

Eugène de Rastignac fait son apparition dans le Père Goriot. C’est un étudiant plutôt sympathique, fils de bonne famille, digne dans sa pauvreté , intelligent, idéaliste. Le jeune homme est hébergé dans la pension Vauquer. Il est le seul, dans cet établissement à tenir tête à Vautrin, un personnage aux allures de bourgeois rangé qui cache un bien mystérieux passé . Le jeune provincial a pourtant un handicap : il est dominé économiquement par Vautrin. Faiblesse qu’il espère passagère, car Rastignac est ambitieux et il souhaite « arriver ».

Il est d’ailleurs un paragraphe que des milliers d’adolescents ont lu et relu, c’est l’un des derniers du Père Goriot : Le Père Goriot, ancien négociant, qui avait deux filles, et qui s’était retiré à la pension Vauquer, vient de mourir. Ces dernières, qu’il aimait passionnément, il est parvenu à les marier richement. Pourtant , lorsqu’elles apprendront sa mort , les filles du Père Goriot  feront preuve à son égard d’une indifférence glaciale. Eugène de Rastignac, lui, qui a veillé le vieil homme, son voisin, dans son agonie, assiste à l’enterrement, plein de tristesse :

 » Le jour tombait, un humide crépuscule agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d’un coeur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras, contempla les nuages, et le voyant ainsi, Christophe le quitta.
Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine, où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnant un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : – A nous deux maintenant !
Et pour premier acte du défi qu’il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez Mme de Nucingen. »

Puis,  dans un autre roman de la Comédie Humaine, Eugène de Rastignac aura une liaison avec Delphine de Nuncingen, une femme mariée de sept ans son aînée. Leur aventure se poursuivra , au travers de nombreux romans de la Comédie Humaine, jusqu’au jour où pour le garder, elle lui fera épouser sa fille (Le Député d’Arcis) .


Flannan Obé, Jocelyn Quivrin  et Alika Del Sol qui, dans la série de France 2
incarnent respectivement Lucien de Rubempré, Eugène de Rastignac et Elsa.

Rastignac ou les ambitieux

France 2 a réalisé Rastignac, (quatre épisodes d’une heure trente) , une version décoiffante de l’oeuvre de Balzac.

Pour mettre au goût du jour Balzac, Images et Compagnie a fait appel à Eve de Castro et Natalie Carter : « Dans le langage courant, Rastignac incarne le prototype de l’ambitieux, il allait donc définir l’ambition dans le monde d’aujourd’hui. » déclare Eve de Castro.

Eugène de Rastignac veut profiter de la vie et n’a que faire de se plier aux règles du jeu social. Lucien de Rubempré, idéaliste, veut servir l’Etat et les valeurs auxquelles il croit. Ce duo est complété par Elsa, jeune avocate habitée par la justice. Eugène et Lucien en sont amoureux. Elle les aimera tous les deux. Rastignac ou les ambitieux :destins croisés de trois amis, aventure moderne d’une certaine réussite.

Pour interpréter ce scénario, Alain Tasma, le réalisateur, s’est entouré de comédiens expérimentés (Zabou Breitman, Jean-Pierre Cassel, Michel Aumont ou encore Sophie Broustal) et a donné leur chance à trois jeunes acteurs pour incarner les rôles principaux : Jocelyn Quivrin, Flannan Obé et Alika Del Sol.

Ces trois acteurs font preuve d’une belle complicité à l’écran : « Il y a eu tout de suite une connivence entre Jocelyn, Flannan et moi. Nous avons eu un fou rire et tout s’est enchaîné naturellement. De toute façons, il y a des similitudes entre notre façon d’être dans le film et dans la vie » déclare Alika Del Sol.

Alika Del Sol laisse le mot de la fin à Jocelyn Quivrin : « J’adore Rastignac. C’est génial d’interpréter un personnage comme ça. Tu rencontres plein de jolies filles, tu roules dans une grosse bagnole, tu as des super fringues, tu es logé à l’hôtel. Pendant quatre mois et demi, tu planes à cent mille. C’est chanmé ! »


Eugène de Rastignac et la sulfureuse Margaux

Episode 1

Eugène de Rastignac, Lucien de Rubempré et Elsa Romieux : un trio de rêve. Ils sont jeunes, beaux, l’avenir leur appartient. Mais la vie transforme jour après jour les espoirs en illusions perdues… Blessé de n’avoir su imposer Elsa comme sa fiancée à son terrible père, Eugène laisse libre cours à son ambition : il se sert de la sulfureuse Margaux pour devenir le plus provocateur des animateurs de radio. Et ça marche…

Lucien de Rubempré qui croit avoir choisi la voie royale de la haute fonction publique, ne sait pas encore qu’il a été repéré par le machiavélique Vautrin… Elsa, par dépit, se console dans les bras du tendre et idéaliste Rubempré. La voilà enceinte… Duquel de ses deux amants

Episode 2

Pour tenter d’oublier Elsa, Eugène de Rastignac accumule les conquêtes. Ça marche de mieux en mieux pour lui dans l’univers de la radio. Définitivement blessée, Elsa quitte Paris ; elle se lance à corps perdu dans son métier d’avocate et décide d’élever seule sa petite Marine. Lucien de Rubempré entre au cabinet de Diane Langeais, ministre de l’environnement et devient son amant. La rumeur se répand bientôt qu’en Bretagne, de l’eau serait contaminée par du plomb. Lucien de Rubempré se rend-il compte que Vautrin le tient et va le mouiller jusqu’au cou?

Episode 3

Grâce à l’argent donné par l’étrange Lawrence, Eugène de Rastignac décide de lancer sa propre émission. Il devient le roi du Tout Paris branché qui se bouscule pour assister à ses fêtes et à son show mémorable… Elsa, toujours idéaliste, met sa vie et celle de sa petite fille en danger en publiant un livre qui dénonce les magouilles politiques. Ne reculant devant rien, elle part en Bretagne enquêter sur l’affaire de l’eau polluée. De son côté, Lucien de Rubempré, candidat aux élections législatives, est de plus en plus compromis dans le scandale de l’eau contaminée au plomb. Il se refuse à l’évidence et reste sourd à tous les conseils de ses amis.

Episode 4

Voici venu le temps des règlements de comptes… Lucien de Rubempré tente de fuir l’emprise étouffante de Diane Langeais avec Macha, que Vautrin lui a présentée… Elsa a compris que rien ne peut sauver Lucien. Eugène de Rastignac, au faîte de la gloire, refuse d’intervenir. Le trio n’existe plus. Impliqué dans un procès dû à une vieille histoire, Rastignac est prêt à tout laisser tomber. Elsa le défend.

Un scénario à 4 mains : Interviews d’Eve de Castro et de Natalie Carter

Eve de Castro est écrivain et scénariste.
Natalie Carter est scénariste et écrit des dialogues pour la télévision et le cinéma.

Quelle est la genèse de Rastignac ?

Eve de Castro : Dans le langage courant, Rastignac incarne le prototype de l’ambitieux, il fallait donc définir l’ambition dans le monde d’aujourd’hui. Or, celle-ci m’a semblée plus multiforme qu’elle ne l’était au XIX e siècle où elle passait soit par la finance soit par la politique -chez Balzac, ce sont les seules voies où elle se réalise de manière positive. En outre, dans La Comédie humaine, les femmes sont les  » ascenseurs  » de l’ambition; on grimpe dans le monde politique, financier, par le truchement de maîtresses qui élèvent leurs amants dans les strates du pouvoir. C’est beaucoup moins vrai à l’heure actuelle, les femmes étant trop occupées à s’ouvrir leurs propres portes pour se soucier de le faire pour d’autres.

Avez-vous pensé, dès le départ, au trio d’amis et d’ambitieux que sont Rastignac, Elsa et Rubempré ?

Eve de Castro : C’était le présupposé de départ : chacun incarnant une forme d’ambition, chacun ayant des revanches à prendre. Parce que s’il n’y a pas au départ une blessure que l’on s’acharne soit à exploiter, soit à cacher, il y a moins de raison d’aller de l’avant. Dans mon esprit, notre Rastignac ne devait être intéressé ni par le pouvoir, ni par l’argent, mais par une forme de jouissance. Il vit dans l’instant, sur le devant de la scène, mais il n’a ni plan d’avenir, ni politique de l’ambition.

Natalie Carter : Cette quête – presque suicidaire – de la jouissance, lui apporte peu de vrai plaisir et aucun bonheur. Ce n’est pas ce qu’il recherche, d’ailleurs. Rastignac n’est pas un jeune homme heureux. Au fond, c’est un personnage très noir et auto-destructeur.

Eve de Castro : A la radio, on rencontre beaucoup de jeunes qui bouffent ainsi la vie par les deux bouts parce que la précarité de leur situation les y pousse : un jour star, l’autre déchu.

Et pour Rubempré ?

Eve de Castro : Comme dans La Comédie humaine, Rubempré est un idéaliste. Il est très séduisant mais suffisamment faible de caractère pour être manipulé par Vautrin. Ce dernier, comme chez Balzac, est l’incarnation du mal. Toutefois, il est d’une certaine manière  » rédempté  » par l’amour qu’il porte à Lucien. Une passion qui le met quasiment au-dessus de toute forme de jugement.

Quant à Elsa, elle ne doit rien à Balzac puisque vous l’avez, comme d’autres personnages, totalement inventée…

Eve de Castro : Néanmoins, on a choisi une beurette en réfléchissant aux préjugés du monde de Balzac et à ceux de nos contemporains. Qu’est-ce qui pouvait déranger et être un souci existentiel dans la France d’aujourd’hui ? A l’heure actuelle, être arabe de la deuxième génération est encore nettement perçu comme une différence et donc vécu comme telle.

Comment en êtes-vous venues à travailler à quatre mains ?

Eve de Castro : Les définitions et les bornes de départ étaient extrêmement floues : un Rastignac et un Rubempré qui, d’Angoulême, débarquent à Paris. A partir de là, une histoire est née que j’ai donnée à lire à Natalie avec beaucoup, beaucoup d’inquiétude. Comme elle a bien aimé, nous avons travaillé ensemble. Car si construire une saga, c’est comme construire un roman, descendre dans le détail, dans les dialogues et rendre vivants les personnages, c’est une autre histoire. Ça je l’ai appris avec Natalie. C’était la première fois que j’écrivais un scénario ; la pro c’est elle.

Natalie Carter : Je suis arrivée dans une histoire qui existait déjà. A partir de la trame d’Eve, on a défait et recousu, enlevé et reconstruit, épisode par épisode. On a aussi rebâti les personnages en réfléchissant à leurs motivations et à la façon dont ils allaient évoluer. Au début, Eve tenait beaucoup à ce que l’on écrive les dialogues en se parlant face à face. Comme je ne la connaissais pas, je lui ai dit qu’on n’y arriverait pas ainsi.

Eve de Castro : J’étais déçue, déçue, déçue… (rires)

Natalie Carter : Mais… c’est ce que l’on a fini par faire. On se mettait en face l’une de l’autre avec cinq théières. On a beaucoup travaillé et on s’est beaucoup amusées. On a ri énormément et on est devenues très amies.

Eve de Castro : Ah oui ! J’ai des souvenirs à quatre heures du matin dans son escalier. On a travaillé comme des folles, jour et nuit, avec une passion totale, une espèce de dévotion tout à fait exclusive et on adore le résultat ; les acteurs sont bouleversants.

Natalie Carter : C’est vraiment la première fois que tout cela se passe – et Dieu sait que nous n’avons pas écrit une histoire heureuse ! – dans un bonheur pareil. Pour l’écriture, comme pour la complicité immédiate avec le réalisateur.

Eve de Castro : Je ne connaissais pas Alain (Tasma), on s’est vus et on s’est beaucoup plu.

Natalie Carter : On s’est adorés ! Il a été très présent pendant l’élaboration des différentes moutures. Il donnait son avis sans jamais l’imposer, expliquait ce qui le gênait, faisait des suggestions, écoutait les nôtres… Il avait d’excellentes idées et il était en permanence à l’écoute.

Eve de Castro : Il était aussi très diplomate… ce qui n’était pas facile… Il en prenait deux de front, en plus! (rires). Il s’est complètement approprié l’histoire sans nous en  » désapproprier « . C’est vraiment une expérience heureuse.

Avec les différentes affaires (celle du saturnisme, du financement des partis et de la franc maçonnerie), vous êtes d’ailleurs en pleine actualité…

Eve de Castro : Oui, ça tombe bien, non? (rires) Les journaux parlent actuellement de saturnisme dans le XIX e arrondissement ; une enquête a été ouverte et la ville de
Paris devra probablement dédommager les malades. Je cherchais une affaire rappelant un peu celle du sang contaminé. Il fallait que Lucien soit désigné comme bouc émissaire, tout le monde se cachant sous son chapeau. Quant à l’affaire de la franc-maçonnerie, c’est le pavé dans la mare. Au départ, la question était : quel pouvoir ou congrégation Vautrin aurait-il pu détourner aujourd’hui ?

Dans Illusions perdues, ne s’agit-il pas de l’habit religieux ?

Eve de Castro : Oui, mais aujourd’hui la religion n’a plus la même importance. Dans notre histoire, Vautrin détourne donc pour son propre profit les idéaux maçonniques. Avec une
histoire comme celle-ci, nous pouvions montrer tout ce qu’il y a de souterrain dans la société d’aujourd’hui.

Natalie Carter : Or la franc-maçonnerie, tout le monde sait qu’elle existe, qu’elle est puissante, mais, à part les initiés, personne ne sait au juste comment ça se passe. C’est un sujet de fantasme.

Eve de Castro : Je ne la connaissais que par La flûte enchantée (rire) et ça me faisait rêver. Alain a rencontré les francs- maçons. Ils lui ont demandé quelques corrections et ont permis qu’il tourne dans une loge.

D’où vous vient toute cette imagination?

Eve de Castro : Ce n’est pas une question d’imagination, il suffit de regarder autour de soi.

Natalie Carter : Rien de ce qui est raconté dans Rastignac n’ est invraisemblable.

Eve de Castro : Tout ce qui est dans cette histoire est tiré de faits tout à fait réels…

Natalie Carter : Enfin Eve…

Eve de Castro : Oui, seulement, on ne les a pas tous vécus ! (rires)

(d’après dossier de presse fourni par France 2)