Racine

Introduction

racine5.jpg (51180 octets)

Racine est sans conteste l’un des auteurs les plus étudiés et les plus joués du répertoire classique. Son caractère incontournable et les louanges unanimes auxquelles tout un chacun se croit obligé de se livrer à son sujet semblent pourtant lui nuire auprès du jeune public : les élèves sont souvent effrayés et rebutés par cette statue imposante et poussiéreuse, ce monstre sacré si lointain qu’il en devient incompréhensible. Parmi ces oeuvres terrifiantes, Phèdre tient une place de choix dans le hit parade des tortures lycéennes. Une admiration bruyante et autoritaire provoque souvent des réactions de rejet. Pourtant, il faut se dire que si Phèdre est un « classique », ce ne peut être à cause d’un consensus arbitraire, qui tend à fossiliser les oeuvres en voulant leur faire traverser le temps.

Il est vrai que la langue poétique du XVIIe siècle peut paraître d’un abord difficile, mais un léger effort initial entraînera rapidement même un lecteur novice dans un univers de violence et de poésie, d’où surgiront des personnages inoubliables. On pourra ainsi découvrir comment l’actualité d’une telle oeuvre peut se révéler.

Nathalie Cros

Biographie

Enfance et éducation

Racine naît en 1639. Orphelin à trois ans, issu d’une famille de petits bourgeois proches des milieux jansénistes, Racine est admis aux Petites Ecoles de Port Royal grâce à la protection de sa grand mère. Il y est élève jusqu’en 1653. Le jansénisme est condamné cette même année. Il poursuit sa scolarité au collège de Beauvais, à Paris, avant de revenir à Port Royal en 1655, à l’Ecole des Granges. En 1658, il suit les cours de logique du collège d’Harcourt, à Paris. L’enseignement qu’il reçoit est fondé sur l’étude de la Bible, de la rhétorique et des auteurs grecs et latins qu’il lit à livre ouvert. Cette solide culture antique lui fournira de nombreuses sources d’inspiration et de réflexion pour son théâtre.

Le début d’une carrière

Racine est ambitieux et compte faire carrière dans le monde. Depuis la prise du pouvoir par Louis XIV à la mort de Mazarin, en 1661, la « jeune cour » qui entoure le monarque mène une vie de plaisirs et de raffinement. Il prend ses distances avec ses maîtres de Port Royal, peu favorables à ses projets, et assez mal vus à l’époque. Cet éloignement ne constitue cependant pas une rupture. Après quelques poèmes et une première tragédie, La Thébaïde, jouée par Molière sans beaucoup de succès, il emporte une première victoire en 1665 avec Alexandre, pièce à la gloire de Louis XIV. A cette occasion, il se brouille avec Molière en confiant l’exécution de sa pièce à une autre troupe : depuis Tartuffe, interdit en 1664,ce dernier n’est plus indiqué pour servir les vues du jeune auteur en quête de gloire. L’année suivante voit sa rupture avec Port Royal : Racine répond violemment aux jansénistes en affectant de prendre pour lui l’accusation d’être un « empoisonneur public ». C’est également pour lui l’occasion de défendre le théâtre, qui fait partie selon lui des choses qui sans être saintes sont innocentes.

Durant cette période, il se lie d’amitié avec La Fontaine (1659) et Boileau (1663).

Les succès d’un opportuniste galant

Son premier véritable triomphe est Andromaque, qui fait pleurer avec délectation mondains et courtisans en 1667. Au faîte de sa gloire, il entreprend même de rivaliser avec Molière avec sa comédie Les Plaideurs en 1668. Alors que Corneille commence à passer de mode, il s’impose sur son terrain avec deux pièces dont le sujet est emprunté à l’histoire romaine, Britannicus en 1669 et Bérénice en 1670, qui l’emporte dans le coeur du public sur la pièce rivale, Tite et Bérénice. Suivent Bajazet, orientale et sanglante, en 1672, les rebondissements de Mithridate en 1673, Iphigénie en Aulide en 1674. Les préfaces de ces pièces montrent à quel point Racine est soucieux d’explorer les virtualités du genre et de justifier ses choix esthétiques.

L’année de la mort de Molière, en 1673, l’Académie Française lui ouvre ses portes. Il est anobli en 1674 et se voit attribuer la charge lucrative de trésorier de France. Succès, carrière, amour (la Champmeslé, tragédienne adulée, est sa maîtresse), tout lui sourit.

Revers et retournements

Quelques résistances commencent à apparaître à ce succès vertigineux. D’abord le genre lyrique, de plus en plus en faveur avec notamment les opéras de Lully, constitue un nouveau rival quand Racine semblait avoir triomphé de tous les précédents.

1677, la représentation de Phèdre est l’occasion d’affrontements plus aigus qu’à l’accoutumée avec le parti cornélien. Duels de sonnets, injures, menaces de bastonnade, l’affaire est suffisamment sérieuse pour nécessiter l’intervention de Monsieur, frère du roi.

Il restait au roi de la tragédie une marche à gravir pour parvenir au sommet : c’est chose faite quand il devient en 1677 historiographe du roi avec Boileau.

Racine prend alors ses distances avec le théâtre et par la même occasion, se rapproche de Port Royal. Dans le même temps grandit la dévotion du roi qui épouse en 1684 Mme de Maintenon : l’édit de Nantes est révoqué l’année suivante.

Ses deux dernières tragédies, Esther en 1689 et Athalie en 1691, d’inspiration bibliques, sont commandées par la nouvelle femme du roi pour les demoiselles de Saint-Cyr.

Racine s’éteind en 1699, toujours en grâce. Il est enterré à Port Royal. Ses cendres, ainsi que celles de Pascal, ont été transférées en 1711 à l’église Saint-Etienne-du-Mont, à Paris.

Racine et le Jansénisme

L’éducation de Racine le lie pour toujours au jansénisme, même s’il a pris au cours de sa carrière des distances avec Port-Royal. Jansénius (1585-1638) est le fondateur de cette doctrine austère et pessimiste : damné depuis le péché originel, l’homme est irrémédiablement séparé de Dieu, et son destin est fixé par lui. Pourtant, la bonté divine permet de sauver certains hommes, sans qu’ils puissent jamais en avoir la certitude, si exemplaire soit leur vie : c’est la grâce efficace. On peut retrouver ce pessimisme dans le destin des personnages de Racine, et leur sentiment d’abandon face à un Dieu qui ne dévoile pas ses desseins.

Nathalie Cros

Oeuvres

1665 Alexandre
1667 Andromaque
1668 Les Plaideurs
1669 Britannicus
1670 Bérénice
1672 Bajazet
1673 Mithidrate
1674 Iphigénie en Aulide
1677 Phèdre
1689 Esther
1691 Athalie

La tragédie

La tragédie antique

La tragédie est, bien sûr, née en Grèce, et s’est épanouie principalement au Ve siècle av. J.-C. avec les trois poètes Eschyle, Sophocle et Euripide. Le philosophe grec Aristote, dans La Poétique, en fait le genre littéraire le plus noble, et la définit comme :  » l’imitation d’une action de caractère élevé et complète, d’une certaine étendue, (…) faite par des personnages en action et non au moyen d’un récit, et qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation propre à de pareilles émotions. » Elle illustre le revirement du bonheur au malheur d’un personnage qui n’est ni tout à fait bon, ni tout à fait mauvais, mais qui commet, volontairement ou non, une faute qui décide de sa chute. En même temps, la tragédie dit quelque chose au spectateur de la fragilité de la condition humaine. Le destin des personnages a donc souvent quelque chose d’exemplaire. Représentées au cours des fêtes de Dionysos, les tragédies rassemblaient la communauté politique des citoyens.

Liens