Déclic Zellerien

Déclic Zellerien
Consultante en Stratégie/Organisation
Nouvelles Technologies
Pour échanger avec Shadi  Biglarzadeh sur cet article, vous pouvez la joindre à l’adresse suivante : shb_alalettre@yahoo.fr 

1er Décembre 2004

Basé sur une expérience pleinement vécue. 

J’ai connu Florian Zeller par pur hasard lors d’un passage télé un samedi du mois de Septembre 2004, alors qu’il était encore plutôt méconnu du grand public.

J’ai spontanément allumé la TV, il était déjà très tard. Je ne la regardais pas, je croyais l’écouter mais je ne l’entendais même pas, c’était juste un bruit de fond qui remplissait un silence imprévu ce samedi là. Brusquement, j’ai entendu une voix parlant de Flaubert, de voyage initiatique, d’érotisme, de mille et une nuits, de sensualité féminine et orientale.

J’ai abandonné « sec » ce que je m’apprêtais à faire, et toute habillée -je rentrais à peine chez moi – je me suis assise sur le canapé à écouter, sans bouger .

J’ai tout d’abord été séduite par un physique -comme beaucoup de filles (!) –  une originale coupe de cheveux blonds, un look soigné, un garçon un peu froid mais doté ce soir là d’une assurance souvent nécessaire dans ce genre d’émission où tout peut arriver.

L’intervieweur animateur de l’émission de télé est toujours difficile à gérer ; c’est pourquoi il faut se contenir sinon les dérapages sont vite incontrôlables, entre questions personnelles, ultra-personnelles et  promotionnelles.

Heureusement, il a su se contrôler pour mon plus grand bonheur, ce qui a permis à l’interview de prendre très rapidement un ton globalement sérieux, et surtout enrichissant pour le spectateur, donc clairement pour « moi ».

Très vite l’attrait uniquement physique pour l’écrivain a laissé place à  un flash  pour le contenu des idées exposées : beaucoup d’informations sur les livres, l’islam, les dérives extrémistes, la sensualité, l’érotisme de la culture orientale (parfois méconnue des jeunes générations), la frustration. se sont imposées et ont  imposé cet écrivain à la spectatrice que j’étais.

Ainsi en 15 minutes d’interview , j’ai été  suffisamment captivée pour me re-lancer dans la lecture. Situation inimaginable pour une droguée de musique devenue allergique aux  livres suite à un traumatisme collégien.
Toutefois, chacune de mes lectures, même rares ces dernières années, ont été enrichissantes, et j’ai toujours suivi l’actualité littéraire internationale.

Lors de l’émission de télé, à la question : « quel livre selon vous donnerait envie de tuer », Florian Zeller répondant  « Le père Goriot, qui donne en général envie de tuer le professeur » !

Coïncidence plus qu’incroyable me rappelant mon traumatisme : j’étais en effet à deux doigts de devenir criminelle au Lycée Lakanal à Sceaux  dans le milieu des années 80 en lisant justement ce livre (si jamais mon ex. prof  de français lis cet article, on ne sait jamais .. ).

Grâce à cette réponse ironique, le « déclic Zellerien » s’enclencha. Je me suis mise à lire plusieurs livres en moins de deux mois – et en particulier un de ceux qu’ils a cités dans l’interview en plus du sien. Une réconciliation était née : je suis à nouveau fiancée avec les livres, grâce au marketing littéraire bien mené ce soir-là.

Mais venons-en à son  livre. Je ne saurai que trop conseiller son troisième roman « la Fascination du pire » Ed. Flammarion.Je l’ai acheté la semaine suivant l’émission télé au mois de septembre  donc loin du tapage médiatique actuel .

Au début, j’ai juste pris « connaissance » du livre pour me remettre un peu dans l’ambiance. J’étais dans un magasin face à un vendeur qui me fixait se demandant probablement comment je pouvais lire debout aussi longuement, en tailleur, à talons, dans un couloir inconfortable et frais. Puis après plusieurs visites, le livre quasiment achevé, j’ai enfin décidé de l’acheter.

Quelques temps plus tard, je l’ai relu une deuxième fois, confortablement installée chez moi, après avoir attrapé un rhume, évidemment.

Je pense, au vu de mes origines perses, être bien placée pour dire que ce livre est avant tout un « roman-fiction »,  concept cher à son auteur, et il n’a rien de vulgaire.

La fascination du pire

Le pitch :

«  il s’agit de l’ histoire de deux jeunes écrivains français invités par l’ambassade de France à participer à un salon du livre au Caire. Arrivés à destination, les deux personnages principaux caressent l’espoir de s’offrir des prostituées mais découvrent que le pays a radicalement changé depuis le dernier voyage de Flaubert en Egypte : l’intégrisme grimpe, les femmes sont voilées, et leur sensualité est masquée..(..).ils s’interrogent sur les réalités d’aujourd’hui ».

Le livre est très bavard certes, les personnages parlent sans cesse. Il est aussi parfois maladroitement écrit, on ne sait plus qui dit quoi entre le narrateur, le personnage principal et les personnages locaux tous acteurs dynamiques du roman, tout se mélange, probablement exprès.

Cela dit avant de critiquer,  lisez le bien, il n’est pas très épais, c’est encourageant.

Selon moi il a été mal lu ou pas lu du tout par certaines critiques dont les jugements m’ont parus quelquefois faciles et creux,  avec une agressivité parfois injustifiée.

Mais  le succès ne réside-t-il pas dans la non-unanimité, n’est-elle pas indispensable ?

Un autre atout non négligeable du livre de Florian Zeller : une écriture sans effets de style agaçants rendant l’ouvrage inaccessible à tous les publics, donc avant tout  un grand plaisir de lecture fluide.

Puis au bout des pages, une chute inattendue, intéressante, qui tient en haleine, et ce, malgré un sujet classique largement abordé et plus que polémique : l’Islam.

« Le voile cache le visage de la femme, donc sa beauté , sa sensualité : symboles de jouissance. » soutient l’écrivain lors de l’émission.

Mais ce qui se dégage du livre à coté de tout cela, c’est la misérable solitude des deux hommes partis chercher en Orient ce qu’ils ne trouvaient pas en Occident ; finalement, on se rend compte qu’ils ne le trouvent nulle part.

« C’est un livre qu’on termine » a dit l’un des juges, Frédéric Beigbeder en sortant des délibérations pour le prix Interallié 2004, attribué donc à Florian Zeller pour la Fascination du pire le  16 novembre 2004.

Ce qui me permet d’espérer que les livres lourds et longs sont dernière nous, gardons espoir.

Félicitations donc à Florian Zeller pour ce prix, bravo pour votre maturité, on oublie parfois que vous n’avez que 25 ans, mais certaines choses nous le rappellent, tout de même..

Enfin ce n’est pas parce que je ne suis pas attirée par  le théâtre (lui préférant amplement le cinéma ou l’opéra) qu’il ne faut pas signaler la carrière prometteuse de dramaturge que mène également Florian Zeller avec sa pièce « L’autre » au théâtre des mathurinsdepuis le mois de septembre. Il prépare également une nouvelle pièce, « le Manège » qui sera mise en scène à partir du 28 janvier 2005  au théâtre Montparnasse.

Epilogue :

J’ai finalement eu l’occasion de rencontrer à quelques reprises Florian Zeller. Des rencontres lucides avec un jeune homme maître séducteur, courtois avec ses lecteurs, mais forcément impénétrable comme beaucoup d’écrivains que j’ai croisés.

Mon souhait serait de lui poser les questions qui n’ont justement pas été posées lors de  l’interview télévisée qui m’a permis de le connaître. Aurons-nous les réponses à mes questions ? Suite bientôt sur le site. dans une interview qu’il m’accordera peut-être.

Notice biographique de Florian Zeller

Florian Zeller, est né en Juin 1979 . A 25 ans il a déjà publié aux  – Editions Flammarion -3 romans : Neiges artificielles en 2002 (Prix de la Fondation Hachette), les Amants du n’importe quoi en 2003 (Prix Prince Pierre de Monaco, traduit en russe et en anglais ) , et la Fascination du pire en 2004 (Prix Interallié). Fils d’une mère psychothérapeute et d’un père industriel dans l’automobile, il a grandi dans la banlieue Ouest de Paris. Très vite il se passionne pour les écrits et pour un auteur en particulier : Milan Kundera dont il dévore l’ouvre,  alors jeune adolescent , en quatre jours et dit de cette époque : « il m’est resté le choc profond de cette lecture ».

Il entame depuis Septembre 2004, en parallèle à son activité de romancier, une carrière de dramaturge avec la création, à Paris, de sa première pièce, L’Autre au théâtre des Mathurins, et en 2005, Le Manège, au Théâtre du Montparnasse.

Son chef d’ouvre méconnu : un poème que Michaux ne voulait pas voir publié,  Nous deux encore (1948).

Il est également professeur de littérature à Sciences Po Paris et chroniqueur dans des émissions de TV littéraires.

Sh.B