Marc
Gendron
« Et le verbe fuit »
Marc Gendron, Opération New-York
« Rien ne sert de pourrir, il faut mourir à point
»
« On se remet de tout mais on guérit de rien »
Marc Gendron, Le Noir et le blanc
|

|
Marc Gendron est né au beau milieu du siècle sur
les bords du Saint-Laurent, au pied de la plus grande centrale électrique de
lépoque. Il a prié et blasphémé, il a joué au hockey et étudié à
létranger, il a enseigné et sest retiré de la vie publique à lâge
de trente-trois ans. Il sest accoté sur une ex-slave, avant dengendrer une
fille et une dizaine de livres. Il na reçu aucun prix et nest jamais apparu
sur le petit écran (Le néant cest la télé avec tout son cortège de
marionnettes papotant et pérorant à pleins tubes).
Bref, il est un drôle doiseau possédant un bec et
refusant de rester coi. Québécois il est, par les caprices de lhistoire, des
paysages et du climat, un écrivain américain pour qui la langue française mérite
autant dirrespect que damour. A lendos de lun de ses livres, il se
définit comme un mammifère à plume. Comme quelqu'un de sauvage donc, privé de langage;
mais aussi comme un artisan travaillé par la langue et la violentant plus ou moins
férocement au gré des saisons.
Daniel Tremblay
Tout l'univers de Marc Gendron
est résumé dans cette boutade : « Et le verbe fuit » . Pour en savoir plus : le
site officiel de Marc Gendron créé par Daniel Tremblay
Bibliographie:
Louise ou la nouvelle Julie (éd.
Québec/Amérique, 1981) est un remake de Julie ou la nouvelle Héloïse. Une
uvre bien de notre époque donc dans laquelle une profe de philo entretient une
relation amoureuse avec lune de ses élèves et accepte un échange épistolaire
avec un Jean-Jacques plutôt déjanté. Dans ce roman, le romantisme charitable de
Rousseau fait place à une écriture exacerbée se promenant entre le septième ciel et le
premier cercle de craie tracé par quelque démon bon enfant. De l'esprit et de l'humour
à revendre.
Les espaces glissants (éd. Québec/Amérique,
1982) sont nés de la rencontre des pulsions et des mots dans une mémoire qui ne tripote
jamais le passé de façon innocente. Toutes les explications se valant et savalant
les unes les autres, le narrateur de cette uvre tente donc de décrire les chemins
qui lont mené à celui quil croit être ou voudrait bien être. De
lombre à la lumière il traverse le corps de lamour et du texte, ne
sarrêtant que là où la langue se refuse ou jaillit de source.
Minimal minibomme (éd. Québec/Amérique, 1984)
est un roman inclassable, un pavé lancé dans la vitrine du conformisme littéraire. On
ny trouve aucune trame, mais seulement les traces dun narrateur fringant qui
jette sa gourme à tous les vents de la narration. Ayant renoncé à voir clair, il avance
au risque de tourner en rond. Toutes les ressources langagières et typographiques sont
mises à profit pour égarer le lecteur ou le mettre sur la bonne voie. Nest-ce pas
cela une existence, un minimal subi par un minibomme ?
Le narrateur de Jérémie ou le bal des pupilles
(les Quinze, éditeur, 1986) est un prophète défroqué, bossu de corps et desprit.
Il samuse à observer les manigances et chassés-croisés dune douzaine de
profs de collège. Une langue qui coule drue, des pédagogues en goguette qui cherchent à
exister autrement quen rabâchant leurs notes de cours, des élèves se réduisant
à des cerveaux à bourrer ou à laver. Quand la grisaille des corridors est dissipée par
la puissance du langage, le lecteur sen donne à cur joie.
Le narrateur d'Opération New York
(LHexagone, 1990) souffre dune tumeur au cerveau. Il est ainsi en mesure de
parcourir (en chair et en os ou seulement dans sa tête fêlée et enflée ?) la
grosse Pomme dans létat desprit qui convient à cette métropole
déchaînée. La langue en cavale et les yeux collés au trottoir, il épouse la folie
quotidienne de quelques énergumènes (Adamor, la plus belle femme du monde, Vanessa et
quelques autres) qui se veulent représentatifs du rêve américain avorté.
Le narrateur de Le noir et le blanc (XYZ
éditeur, 1994) est un prof qui surmonte labandon amoureux en retrouvant un amour de
jeunesse, la littérature. Il sidentifie à un peintre qui dévasté par un deuil
est happé par le suicide, il examine les quelques spectres hantant le collège où il
prêcha la bonne nouvelle, il scrute ses entrailles rongées par un cancer galopant. Mais
il prend soin de renoncer au pathos, car le tragique nest jamais dramatique et se
résume à quelques couleuvres rencontrées sur la route.
Le narrateur de Le prince des ouaouarons (XYZ
éditeur, 1997) est un gay flamboyant souffrant dune affection alors sans nom. Ce
petit prince politiquement incorrect enlace ses plus joyeux et ses plus tristes souvenirs,
revisite son enfance et son adolescence, regarde la mort droit dans les yeux avant de
lembrasser. Il dit sa vérité sans ambages, sans remords aucun, une fleur entre les
dents. Le sang en ébullition, il passe du sexe au texte en s'en remettant à la seule
vérité d'un style bien léché. Éperdu de plaisir, il est à la fois le premier
coupable et le dernier des innocents.
Le narrateur de Titre à suivre (XYZ
éditeur, 1998) est un texteur à gages souffrant dun bobo au cerveau. Ce pubard
arrête donc de faire le jars et se lance à corps perdu dans lécriture. Il visite
la cour de lempereur de Chine, se promène dans le dédale des mots, se glisse dans
la peau dun tueur en série, musarde dans les corridors de la mort. Mais ce roman
na rien à voir avec les grosses farces et les flatteries de la pub. Il est à la
fois serein et violent, emporté par le souffle dune rage lucide. N'utilisant plus
la parole comme un outil de marketing, l'ancien créatif de la désinformation crache du
feu sur le monde de la pub et des médias. Cette uvre ne peut que plaire à tous
ceux qui aiment les écrivains travaillant la langue sans se préoccuper de leur chiffre
de vente.
Pour en savoir plus : le site officiel de Marc Gendron

|