Edith Wharton (1862-1937)

«On peut répandre la lumière de deux façons : être la bougie, ou le miroir qui la reflète.»
Edith Wharton

Biographie

1862

Édith Newbold Jones nait le 24 janvier à New York.
Édith est le troisième enfant (et la première fille) de Georges Frederic et Lucretia Jones . Sa famille est très fortunée. Sa mère est d’origine aristocratique ; son père n’a jamais été dans l’obligation de travailler.
Édith est née quand sa mère Lucretia, belle et coquette, a trente-cinq ans. Elle ne va pas à l’école, mais est confiée à des institutrices .

Edith Wharton à 5 ans
Portrait d’Edward Harrison May

Dès son enfance, Édith fait preuve d’une intelligence et d’une imagination exceptionnelles.
Adolescente, elle écrit des poèmes et une nouvelle : Fast and Loose est achevé en 1877 et un recueil de poèmes Verses est publié, à compte d’auteur, en 1878. Plusieurs de ses poèmes sont publiés dans l’Atlantic Monthly à partir de 1880.
Après un voyage en Europe avec ses parents, elle fait ses débuts à 17 ans dans la «Old New York».
Elle rencontre celui qui devait, toute sa vie, occuper le rôle de « l’ami de cœur » : Walter Berry, très cultivé et connaisseur de la littérature française.

1885

Mariage avec Edward Robbins (Teddy) Wharton en avril. Ce mariage consistera en une relation à la fois chaste et orageuse. Ils vivent de leurs héritages et de leurs revenus. Ils n’ont pas d’enfant .
Les Wharton vivent entre leur maison de Newport aux États-Unis et l’Europe.
La personnalité d’Édith, ses succès littéraires agacent son époux frivole et d’autant plus volage qu’Édith trouve son bonheur dans une vie qui le dépasse.
De nature névrotique, instable, sujet à de profondes dépressions, la santé de Teddy) Wharton fut très ébranlée en 1910 après ses indélicatesses pécuniaires. Édith Wharton eut le plus grand mal à accepter l’idée du divorce. Son attitude à l’égard du divorce dans ses romans est d’ailleurs très ambivalente. Elle garde toujours la nostalgie de la symbiose de deux esprits — ce que Shakespeare appelle « the mariage of two minds ».

1889

Édith Wharton commence à souffrir d’asthme et de nausées.

1891

Édith Wharton publie sa première nouvelle « Mrs. Manstey’s View » dans le Scribner.
Édith Wharton est atteinte d’une maladie nerveuse intermittente.

1897

Parution de « The Decoration of Houses », écrit en collaboration avec son ami architecte Ogden Codman . Succès immédiat.

1898

Édith Wharton est soignée dans la clinique du Dr Mitchel.

1902

Édith et Teddy s’installent à Lenox dans le Massachussetts dans la somptueuse maison «The Mount».
L’année 1902 signe le début de l’amitié et de la correspondance d’Édith Wharton avec Henry James qui lui écrivit ses «conseils» au lendemain de la publication de The Valley of Decision.
Malgré de grandes affinités (la technique des points de vue, celle d’une conscience centrale), on ne peut cantonner Édith Wharton dans le rôle de simple «disciple» d’Henry James. Celui- ci devait nourrir des sentiments assez complexes envers elle malgré leur réelle, intense, et longue amitié. Mais il était secrètement envieux de ce qu’elle avait atteint un public bien plus large que le sien, et assez jaloux de sa vitalité. La vie d’Édith avec ses complications et son mariage manqué, sa passion de la voiture et des voyages, ses amis et ses maisons l’épouvantait quelque peu. Il s’est inspiré de certains épisodes de la vie d’Édith Wharton pour ses nouvelles et l’appelait « l’Ange de la Dévastation». Il a fait connaître Meredith à Édith et se lia avec les deux amis de son amie : Walter Berry et Fullerton. En 1911, Édith milita pour que James ait le Nobel, mais il fut décerné à Maeterlinck.

1905

Elle publie Chez les heureux du monde (The House of Mirth), qui devient un best-seller.

1906

Séjour à Paris, qui deviendra peu à peu sa vraie résidence.

1907

Liaison discrète avec un homme de lettres, Morton Fullerton. Édith et Teddy vivent de plus en plus séparés. Lui aux États-Unis, elle à Paris. En 1907, Édith Wharton a quarante-cinq ans. Il lui manque l’expérience de l’amour passion. Sa liaison avec M. Fullerton lui inspire des poèmes d’amour. Fullerton était séducteur, plus ou moins fiancé à une cousine et sous l’empire d’une maîtresse exigeante lorsqu’il connut Édith et, selon la formule, la révéla à elle-même. C’est à travers ce don Juan intelligent, versatile et faible qu’elle découvrit, en pleine maturité, les tourments et les délices de la passion. Ses liens avec Walter Berry n’eurent jamais ce côté passionnel. C’est en France que Édith Wharton et M. Fullerton connurent leurs instants de bonheur à Beauvais, Senlis, Paris, etc., alors qu’elle habitait encore place des États- Unis.

1910

Édith s’installe au 53, rue de Varenne, à Paris. Fin de la liaison avec Fullerton. Nouvelle rencontre et discrète liaison avec Walter Berry.

1911

Discorde avec Teddy Wharton. Vente de «The Mount». Première visite en Toscane chez Bernard Berenson, grand expert et historien d’art, à la villa «I Tatti».
Une fois installée au 53, rue de Varenne, Édith Wharton mène une existence riche en amitiés et relations mondaines.
Elle fréquente le «Faubourg Saint-Germain». Mais son goût des installations, des jardins, des réceptions, des mondanités, des célébrités ne provient pas de la frivolité ou du snobisme.
Il faut y voir le sentiment qu’une femme se doit aux autres, êtres et lieux, car un écrivain femme n’est pas accepté ou reconnu aussi facilement qu’un écrivain homme. Édith Wharton fait des prodiges afin de ne rien négliger. Afin de n’avoir pas à choisir entre les livres et les relations humaines.
Elle reçoit Paul Bourget et sa femme, se lie avec beaucoup de Français connus : Jacques-Émile Blanche, Anna de Noailles, Louis Gillet… Ses grands amis Henry James et Morton Fullerton, Howard Sturges, Percy Lubbock aiment chez elle son esprit masculin. Elle préfère s’entourer d’hommes que de femmes et s’inquiète de la «jeune génération».
A Paris, Édith Wharton écrit Ethan Frome, son seizième livre en treize ans, situé dans la Nouvelle Angleterre, sans conteste un des chefs-d’œuvre de l’auteur. L’influence de Hawthorne y est perceptible. La nouvelle ne connut un véritable succès de vente que vers 1930.

1913

Édith et Teddy Wharton divorcent.

1915

Pendant la guerre Édith Wharton prend soin des réfugiés belges ; elle crée des ouvroirs et des foyers pour réfugiés, qui deviendront les American Hostels.

1916

Édith Wharton est nommée chevalier de la Légion d’honneur.

1920

Édith Wharton publie Le Temps de l’innocence (The Age of Innocence) qui connaît un immense succès.

Mai 1921

Le Temps de l’Innocence reçoit le prix Pulitzer, décerné pour la première fois à une femme…

1923,

Édith Wharton est la première femme à être faite docteur honoris causa de l’Université Yale.

1927

Walter Berry meurt à Paris. Édith brûle toutes les lettres qu’elle lui a écrites pendant quarante-quatre ans. Malgré son amour des jolies jeunes femmes élégantes, l’amour amitié qui fut celui de ce fin connaisseur de la France pour Édith Wharton apparaît comme un admirable exemple d’harmonie et de confiance entre deux êtres liés par leurs affinités électives.
Des amis espèrent le Nobel pour Édith Wharton mais il est décerné à G. Deledda et à Bergson.

1928

Parution de The Children qui devient rapidement un best-seller. Plusieurs des livres écrits par Édith Wharton dans les années vingt trahissent une préoccupation croissante des enfants. Sans doute éprouve-t-elle une certaine nostalgie de n’avoir jamais été mère.
Mort de Teddy Wharton. Achète, décore et habite une somptueuse demeure à Sainte-Claire-le- Château, près de Paris.

1930

Deux des cuisiniers d’Édith Wharton meurent. Son valet de chambre est assassiné à Hyères par sa femme ; Édith Wharton écrit ses histoires de fantômes inquiétantes et fortes ; une atmosphère de catastrophe l’entoure : elle perd deux cousins et, surtout, son petit chien favori.

1932

Édith Wharton commence son autobiographie A Backward Glance. Elle a 70 ans. Crise de la Bourse à New York. Édith et son ami Bernard Berenson communient dans leur inquiétude concernant le sort de l’Europe.

1935

Édith Wharton s’intéresse au thème de l’inceste. Écrit son récit érotique Béatrice Palmeto (histoire d’un inceste père-fille).
Édith Wharton écrit l’excellente nouvelle Fièvre romaine.
Le 11 avril 1935, Édith Wharton a une attaque cardiaque, sans séquelle

1937

Après une attaque, Édith Wharton est transportée à Pavillon Colombes. Elle repense douloureusement à son inévitable divorce d’avec Teddy mais ses derniers jours sont sereins.
Edith Wharton meurt le 11 août
Elle est enterrée au cimetière de Versailles aux côtés de Walter Berry.

Sources bibliographiques

Le Temps de l’Innocence d’Edith Wharton ( GF Flammarion) . Préface, bibliographie et biographie de Diane de Margerie

Dossier de Presse du film ( La fabrique de film)
Raison et sentiments de Jane Austen , Christian Bourgois Editeur
Dictionnaire des personnages, collection dirigée par Guy Schoeller,   Bouquins, Robert Laffont

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La vie et moi de Edith Wharton

Dans La vie et moi  seul texte autobiographique où Edith Wharton s’est vraiment « laissée aller », elle évoque le baiser que lui donna un petit cousin. Cet éveil des sens eut lieu à New York sur la Cinquième Avenue, en hiver : elle avait moins de quatre ans et se promenait avec son père. La situation est déjà totalement symbolique : mère absente, père présent, narcissisme comblé car elle portait son « meilleur bonnet » en satin blanc et dentelles. Déja éclatent ce qu’Edith Wharton avoue être les deux instincts « les plus profondément ancrés dans ma nature : le désir d’être aimée et celui de paraître jolie ». Mais en fait sa mère, si belle, ne l’aimait pas. Ce fut une éducation avec des manques et des refus, où seuls la consolent « les petits chiens et les garçons ». Son premier jeune amoureux sec nomme « Fearing », (qui a peur). Triste présage. Sa vie sensuelle fut courte : il y eut d’abord le difficile mariage avec Teddy Wharton, terminé par un divorce, après une entente physique désastreuse : Edith tombe malade, prise de vomissements ; tout semble indiquer une répulsion conjugale. Ce n’est pas Teddy qui fait son « éducation » : plutôt l’ami fidèle et cultivé Walter Berry. Puis, vers 45 ans, il y eut une liaison brève, violente (de son point de vue à elle) avec un journaliste Don Juan, Norton Fullerton. On dirait, à lire ses poèmes d’amour, tant ils étonnent par leur érotisme, qu’elle était encore vierge. Qui sait ? Ils n’auront que quelques nuits — c’est-à-dire quelques heures — quelques heures de plaisir dans toute une vie de femme.

Telle fut son éducation sentimentale : l’amour du père, l’instinct, l’amour des animaux, le carcan du social, l’amitié amoureuse. (Elle n’eut pas d’enfants, pas de petit garçon, mais plusieurs chiens.) Le père : au fond c’est lui qui l’a initiée à travers la tendresse. Ce premier « amour » sera inclus dans les amitiés pour ces hommes célèbres, cultivés, qu’elle connut à Paris ou en Italie, ainsi Henry James pris par ses amitiés « homosensuelles » comme le dit joliment Leon Edel, ou Bernard Berenson. Instruite par tout cela, elle apprend que la vraie vie est dans ce qu’elle peut apprivoiser : les fleurs, les tissus, l’encre, surtout l’écriture. Le texte Ma vie et moi, qui double son autobiographie, demeure inachevé, mais tout y est inclus. On aimerait mieux savoir ce qu’elle veut dire quand elle parle « d’atroces tortures morales » ressenties au cours de ses vagabondages en Europe, de sa « haine de la laideur » qu’elle éprouve toute petite fille, qui n’est peut-être que l’envers de la peur qu’elle éprouve de la beauté, cruelle et coquette, qu’est sa mère. Qu’est-ce donc que cette « haine froide » qu’elle est incapable de surmonter, à Paris, pour la mère de son professeur de danse « ratatinée et barbue », répulsion dont elle éprouve une culpabilité terrible ? Ses dégoûts sont aussi puissants que ses instincts — tout cela sera bridé, refoulé. Dire la vérité, avouer ses répulsions devient un cauchemar. On le voit dans toute son œuvre où la vérité est frôlée, sous-entendue. L’allusion dévorante remplace le cri. Se taire devient son éducation à elle : taire ce qui concerne le corps, le sexe, le plaisir. Car elle adore les petits garçons de Newport mais cela ne se dévoile pas : elle bifurque sur le joli, la décoration, la toilette. Sur l’amitié amoureuse où la  » vieille chèvre barbue  » n’apparaît pas.

Cette éducation sentimentale se fait toute seule, entre le moi et le soi, ce qui donne une œuvre puissante, concentrée, sans illusions. Ne pas dire, ne pas avouer, voilà la vraie richesse. Alors elle étale ses « biens » visibles : ses maisons, énormes, ses relations, ses voitures, ses réceptions, ses robes. Mais pendant tout ce temps, bien installée rue de Varenne, elle décrit l’horreur d’humbles destins en Nouvelle Angleterre, l’histoire de vieilles filles frustrées, flouées, d’adultères punis, de passions trompées. Ses amitiés sont prestigieuses : Henry James, Anna de Noailles, Paul Bourget. Mais c’est l’ami de toujours, Walter Berry, qui compte : elle brûlera toutes ses lettres écrites pendant quarante-cinq ans. Au cours de la rupture avec Morton Fullerton, elle reste digne, bien élevée. Pas de scènes ni de cris ; quelques lettres : on ne casse pas de vaisselle dans l’écriture salvatrice. Le dévoilement tue : toute son œuvre est une variation sur ce thème.

C’est seule, aussi, qu’elle a appris à lire, prenant un mot pour un autre. Ainsi lui est-il arrivé de confondre le mot « concert » avec le mot « conjoint » dans un poème de Tennyson où elle croit comprendre que le premier don d’un époux est de faire entendre à l’épouse une musique merveilleuse, céleste… Quand on pense au choc que dut être sa nuit de noces…

Diane de Margerie, Le magazine littéraire, n°304, Novembre 1992

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Ethan Frome de Edith Wharton sur alalettre

Chez les heureux du monde de Edith Wharton sur alalettre

Titres disponibles en français :

Les Mœurs françaises et comment les comprendre, Payot, 1999.
Les Dieux arrivent, Flammarion, 1999.
Sur les Rives de l’Hudson, Flammarion, 1996.
Les Chemins parcourus avec la vie et moi, Flammarion, 1995.
Le Fils (nouvelles), Mercure de France, 1991, Gallimard, 1995.
Grain de grenade (nouvelles), Le Terrain Vague, 1990.
Le Fruit de l’arbre, Flammarion, 1990.
Le Triomphe de la nuit (nouvelles), Le Terrain vague, 1989.
Vieux New-York (nouvelles), Flammarion, 1989.
Fièvre romaine (nouvelles), Flammarion, 1989.
Madame de Treymes et autres nouvelles, 10/18, 1986.
L’Ecueil, Christian Bourgois, 1986.
Eté, 10/18, 1985.
Le Temps de l’innocence, Flammarion, 1985.
Leurs Enfants, 10/18, 1983.
Les Metteurs en scène, 10/18, 1983.
La Récompense d’une mère, Flammarion, 1983.
Chez les heureux du monde, Hachette, 1981.
Ethan Frome, Gallimard, 1984.
Les Beaux Mariages, 10/18, 1983.