Luigi Pirandello (1867-1936)

Luigi Pirandello

« Il y a quelque chose de nouveau et de vital dans cet écrivain. » James Joyce

« S’il est une histoire d’homme liée à une vérité d’écrivain, Pirandello est un exemple d’unité. Sa vie secrète est la clef de son art. » F.V. Nardelli

Philosophe, dramaturge et narrateur italien, Pirandello a reçu le prix Nobel de littérature en 1934. Son influence s’étendit bien au-delà des scène italienne. Impossibilité de connaître autrui, avatars de la personnalité, vérité de la folie, tels sont les thèmes qui hantent son œuvre.

Luigi Pirandello est né à Girgenti (Agrigente) le 28 juin 1867. Luigi grandit entre Porto Empedocle et Girgenti. Autant sa mère était douce et conciliante, autant son père était autoritaire et violent. L’enfant eut, avec cet homme aux colères terribles, des relations difficiles. L’expérience de la vie familiale, les incompréhensions, les trahisons : voilà les racines de ce qu’on a coutume d’appeler le « pirandellisme ».

En 1893, Pirandello s’était transféré de l’université de Palerme à celle de Rome, en 1889, il avait publié son premier recueil de vers, Mal joyeux ; il avait quitté la même année, l’université de Rome pour celle de Bonn, où, en 1891 il se retrouva docteur en philosophie. La même année il était revenu à Rome.

A cette époque les milieux politiques sont corrompus. Dans le Sud, le mécontentement gronde contre ces dirigeants romains qui semblent ignorer la détresse des provinces du Sud. Pirandello est très vite adopté par le cercle des véristes romains : c’était un précieux témoin : de retour de l’Allemagne il pouvait juger avec un grand esprit critique la Sicile de son enfance. L’humour vériste de Pirandello est fait de ce mélange d’amour pour la terre natale et de lucidité critique.

En janvier 1894, Pirandello épouse Maria Antonietta Portulano, fille d’un associé de son père qui lui apporte une bonne dot. Le couple s’installe définitivement à Rome.

En 1903 se produisit la ruine : la soufrière où son père, don Stefano avait investi son propre argent et la dot de sa bell-fille fut détruite par un éboulement. Luigi Pirandello se retrouva d’un coup pauvre, avec sa femme gravement malade : à la nouvelle de la ruine, elle avait eu une atteinte de parésie, dont elle se remettra six mois plus tard, et une altération mentale dont elle ne se remettra plus.

Luigi Pirandello se trouve plongé à l’improviste dans la tragédie. Publié en feuilleton en 1904 Feu Mathias Pascal connaît un grand succès.

Ce roman nous présente une ébauche de ce relativisme psychologique qui sera clairement exprimé dans Un, personne et cent mille : nous ne sommes que ce que les autres font de nous. Notre prétendue identité est une apparence ; si les autres ne nous reconnaissent pas, nous sommes morts ; nous ne vivons que par l’idée qu’ils se font de nous-mêmes. L’individu en quête d’une identité personnelle est voué à l’échec car force lui est de reconnaître que c’est la pensée des autres, avec tout ce qu’elle implique d’aliénation par malentendu ou par mauvaise foi, qui lui donne vie, qui crée le personnage.

En 1909 il commence à collaborer au Corriere della sera. Il est nommé professeur titulaire à l’Institut supérieur pédagogique.

1915 : c’et une année que marquent de douloureux événements : l’entrée en guerre de l’Italie et le départ de son fils Stefano, engagé volontaire et puis fait prisonnier ; la mort de sa mère ; et la maladie de sa femme qui maintenant explose en manifestations de violence.

En novembre 1918, son fils Stefano revient, après l’armistice. On décide l’internement d’Antonietta dans une maison de santé. Dans sont théâtre Pirandello nous montrera des bouffons et des fous ; et la fantasmagorie de ses comédies n’est pas le fruit d’un esprit extravagant mais le reflet d’une société en crise. Partout en Europe l’individualisme est en crise ; la guerre a fait table rase des certitudes positives ; le monde semble en folie. « Les années folles », elles portent bien leur nom et c’est justement ce qu’illustre le théâtre pirandellien.

Mai 1920 : sa pièce Six personnages en quête d’auteur jouée au théâtre Valle de Rome est un échec. Un mois plus tard la pièce triomphe à Milan. Pirandello est désormais un cas : du haut des scènes, la pièce se répand dans le public : ceux qui sifflent et ceux qui applaudissent, les Romains qui crient « A l’asile ! » et les Milanais qui disent « Poésie ! ». Les critiques qui polémiquent et théorisent, tout fait partie intégrante de la pièce et de la conception que Pirandello a du théâtre.

Directeur de la troupe, Pirandello découvre le métier de metteur en scène et se rend compte au contact des acteurs qu’un auteur n’est plus responsable de sa pièce à partir du moment où elle est jouée : le metteur en scène l’interprète à sa façon, et l’acteur lui-même donne au personnage une forme que l’auteur n’avait pas prévue. Ces problèmes du jeu et de la vérité, du rôle et de la personnalité, du visage et du masque vont devenir le thème dominant des pièces de cette période, car il font partie désormais de la vie quotidienne de Pirandello.

Suivent de nombreux voyages avec sa Compagnie, et puis il se retrouve seul, deux années à Berlin, un an à Paris. « Nulle habitude, dit son biographe, nul amour terrestre » et cependant l’actrice Marta Abba, tint une grande place dans la vie de Pirandello. Puis elle disparut de sa vie et du théâtre : elle épousa un Américain, quitta l’Italie. Pirandello était désormais un vieil homme seul, seul de la solitude de « Quand on est quelqu’un ».

Avec cette pièce l’auteur met en scène son propre drame d’homme à succès, prisonnier de sa célébrité. Sujet moderne devenu aujourd’hui banal : le drame de la vedette fabriquée par le regard des autres (pour parler comme Pirandello) ou par l’opinion publique (pour adopter le langage d’aujourd’hui) et qui cherche à retrouver sous la façade et les artifices la sincérité intérieure et sa propre authenticité.

En 1934 il obtient le prix Nobel de littérature. Travaillant sans relâche il mourra, le 10 décembre 1936, d’une pneumonie contractée à Cinecittà pendant les prises de vues d’une adaptation cinématographiques de Feu Mathias Pascal. Dix ans plus tard ses cendres furent transportées à Agrigente. Et son destin de personnage se clôt sur un dernier jeu entre apparence et réalité : par les rues de sa ville, les cendres de Pirandello passent, enfermées dans une caisse qui donne l’impression que la crémation n’a pas eu lieu, que le corps est dans le cercueil. Il paraît qu’en ont décidé ainsi les autorités ecclésiastiques : ainsi, sans le savoir, elle s’employaient à donner la dernière touche « pirandellienne » au séjour involontaire sur la terre de Luigi Pirandello.

A présent, encloses dans un vase grec, les cendres se trouvent sur une console dans la maison de lu Causu, du « Chaos », devenue monument national.

Rosanna Delpiano

Bibliographie :
Pirandello et la Sicile – Léonardo SCIASCIA – Edition Les cahiers Rouges – GRASSET –
Pirandello – Gilbert BOSETTI – Editions présence littéraire – BORDAS –
Luigi Pirandello, Sicilien planétaire – Georges Piroué – Editions Denoël –
Pirandello de A à Z – Léonardo Sciascia – Editions Maurice Nadeau –
Le symbolisme pirandellien – Francine Chiappero – Editions Les presses du Midi

Ce texte a été fourni par Rosanna Delpiano qui a rédigé une notice biographique de  Luigi Pirandello  sur le site de l’ONPA (Office Niçois des personnes âgées)