Interview Agathe Hochberg

Paris, le 9 Mars 2006

Notre rendez-vous :

Matinal, dans un café stylé de Passy, à Paris XVIè. En avance sur l’horaire, les serveurs m’ont fait changer plusieurs fois de place, prétexte aux préparatifs du déjeuner. Un peu à l’écart, cela n’a pas empêché Agathe Colombier Hochberg de me trouver immédiatement même si nous ne nous étions jamais vues auparavant. Le contact était déjà « là ».

Actualité :

Après le joli succès de son premier roman « Ce crétin de prince charmant » paru en mai 2003, Agathe Colombier Hochberg a publié fin Octobre 2005 son second roman « Mes amies, mes amours, mais encore ? » (Mango Editions).

Portrait d'Agathe Hochberg
Portrait d’Agathe Colombier Hochberg © Copyright Agathe Colombier Hochberg

Bonjour Agathe Colombier Hochberg, dites-moi êtes-vous « chambre des tortures » ou « chambre de l’oubli » ?

Bonjour Shadi, je répondrai « chambre de l’oubli »

Cendrillon ou la Belle au bois dormant ?

Cendrillon, car dormir 100 ans, non !

Entrée ou dessert ?

Les deux 

Brad Pitt ou Michaël Jordan ?

Brad Pitt

Calme ou hyperactive ?

Les deux, même si ça peut sembler paradoxal !

Agathe Colombier Hochberg, on vous connaît peu, parlez nous de vous quel est votre parcours, votre âge ?

J’ai 38 ans. Je suis née et j’ai toujours vécu à Paris mais également aux Etats-unis où mon père vivait. J’ai fait des études de droit et de commerce international. J’ai toujours adoré écrire et j’ai eu très peur d’oser, donc il m’a fallu beaucoup d’années. J’ai aussi travaillé dans la production de films. J’ai écrit deux scénarios de long-métrages, puis j’ai évolué vers le roman et me suis jetée à l’eau quand j’ai eu ma seconde fille, j’avais un peu de temps et vraiment l’envie de faire quelque chose que j’aime profondément et c’est là qu’est né le « crétin » ! (de prince charmant, ndlr)

Quel a été le déclic qui vous a amené à l’écriture ?

C’est d’abord la lecture. Puis un besoin très personnel comme probablement beaucoup de  gens ; et au bout d’un moment le plaisir que je trouvais à écrire, je ne le trouvais  pas ailleurs, c’est pourquoi j’ai persévéré.

Qu’est ce qui vous « soulage » dans l’écriture ?

Le fait de pouvoir exprimer les choses qu’on a en soi, les partager, et partiellement les régler.

Est ce que vous vous servez de l’écriture pour exprimer des craintes, des peurs ou des névroses, si vous en avez ?

Oui bien sûr. Je m’en sers, mais avec une certaine distance, toujours en essayant de mettre une pointe de décalage, d’ironie et d’humour. Je trouve que c’est un bon champ d’entraînement pour mieux se connaître et savoir ce qu’on a dans le ventre !

Justement, je pense que l’humour et l’ironie sont vos grands atouts, ils vous aident à exprimer des choses ou des situations parfois assez dures dans vos livres.Il y a toujours quelque chose de très humain qui se dégage et qui fait qu’on s’attache au livre, comment expliquez-vous cela ?

Je suis proche de tous les sujets que j’évoque. J’ai des amies qui ont vécu les situations de mes personnages. Toutes les femmes dont je parle, je les aime. J’ai eu envie d’en parler en réalisant que même entre amies, il y a beaucoup de choses que l’on ne se dit pas, ou que l’on ne s’autorise pas à dire, beaucoup de souffrances que l’on garde pour soi. J’avais envie de parler du sujet concernant la difficulté d’avoir un enfant, car je pense que l’on en parle peu, ça reste assez tabou. En fait j’avais besoin d’en parler de l’intérieur, tout simplement.

Comment expliquez vous qu’aujourd’hui on s’intéresse autant à la condition des femmes ?

Les femmes font entendre leur voix de plus en plus. Je suis de nature assez optimiste alors j’aurais tendance à penser que ça avance un peu chaque jour mais le travail à faire est monstrueux. Pour exemple, Simone Veil continue à recevoir des lettres où on la traite d’assassin car elle a légalisé l’avortement.

Est ce que vous vous engageriez « officiellement » dans une action en faveur des femmes justement ?

Oui, c’est important de s’engager, d’essayer de faire avancer les choses concrètement.

Comment s’est passée la publication de votre premier roman ?

Incroyablement bien. On m’a recommandé quelqu’un qui à l’époque était attachée de presse. Elle a eu un coup de cour pour mon roman. Au moment où elle a reçu mon manuscrit, elle est devenue éditeur. On avait une énergie et un enthousiasme débordants, ce qui a fait que les choses se sont très bien passées. Donc je n’ai pas trop galéré, je l’avoue, par chance.  C’est l’avantage des petites maisons d’éditions, on est très entouré et peu anonyme. Cela a été magique.

Alors…dites nous, ce super titre « ce crétin de prince charmant », comment est-il né ?

Vous allez être déçue ! Il n’est pas de moi. C’est mon meilleur ami qui l’a trouvé. 

Les thèmes du célibat des trentenaires actives et celui des femmes mariées délaissées ont très souvent été abordés, comment fait-on pour se dire « je vais essayer d’innover » sur le sujet ?

Je n’avais pas d’idée préconçue. Mais j’étais fan de la série américaine Sex&the City ; cependant il faut savoir que lorsque l’on est dans ces univers-là on est dans « l’irréel » complet. Puis je me suis dit ces personnages-là ce n’est pas moi, ce ne sont pas mes copines célibataires non plus. Pourquoi ? Car même si on est célibataire et que l’on a une bonne situation, personne ne va collectionner les chaussures à 500 euros, ou aller dîner chez Colette ou au Costes tous les soirs… Je voulais parler de choses réelles et non pas d’une Carrie Bradshaw bis. Je voulais évoquer la solitude du mariage par exemple, ainsi que la solitude du célibat et leurs aléas respectifs. En fait chacune de ces deux femmes, lorsqu’elles se rencontrent, pense que l’autre a une vie rêvée, et on voit ce que ça donne !

Et vous, pensez vous qu’on peut être femme sans être mère ?

Bien sûr, je l’espère pour toutes les femmes qui n’ont pas d’enfants, et aussi pour celles qui décident volontairement de ne pas en avoir.
Je suis admirative du personnage de Simone De Beauvoir par exemple, qui aurait pu épouser Sartre, mais ne l’a pas souhaité, qui a délibérément fait le choix de ne pas avoir d’enfants alors qu’à l’époque, c’était la fonction principale attribuée aux femmes.. 

D’où vous viennent toutes les petites allusions à la Perse dans votre livre ?

Du personnage de Justine qui est une amie perse. Disons plus précisément que sa mère est afghane. En fait il s’agit de l’Afghanistan qui se réclame perse, voilà. Justine existe et c’est tout ce qu’elle m’a dit sur ses origines que j’ai rapporté dans le livre concernant son personnage ! 

À propos de perse, justement, savez-vous ce que veut dire le terme persan « Torshi » que vous évoquez dans votre livre ?

Je parle d’endive car Justine m’a traduit ce mot en anglais et le seul équivalent que j’ai pu y trouver était le terme endive ! mais que cela veut il dire alors ?

Shadi Biglarzadeh : Cela veut dire à la lettre : « aigre ». Mais le mot est communément utilisé pour qualifier un jus de fruit ou sirop acide que l’on ajoute à des sauces pour cuisiner des plats persans  !

Que faut-il absolument transmettre à sa descendance ?

J’ai envie que mes filles soient bien dans leur peau, qu’elle soient libres d’être elles-mêmes. Je ne me pose pas trop de questions sur ce que je veux leur transmettre, mais plutôt sur ce que je ne veux pas leur transmettre : mon insécurité, mes doutes. 

Existe-t-il des choses inavouables ?

Oui, probablement, et heureusement que l’on peut les garder pour soi.

En couple ou en famille faut-il tout se dire ?

C’est une question piège, mais cela rejoint votre question précédente, je pense qu’il y a des choses qu’il faut garder pour soi. 

Que lisez vous au quotidien ?

Des auteurs très variés : Kafka, Philip Roth, Martin Amis, Alessandro Barrico, et puis des classiques.

Quel est – selon vous- le vou le plus cher dans le parcours d’un écrivain après avoir été publié ? 

Que ça dure. C’est un luxe absolu que d’être lu et compris.

Quels sont vos projets ?

Je suis sur un grand chantier dont le sujet est la correspondance familiale qui devrait être bouclé cet été. Puis je me mettrai à l’écriture de mon prochain roman. Entre temps j’ai aussi co-écrit un livre sur la terminologie du football dans une collection de Mango : Mots et Cie ! eh oui ! (rires)

Pour combien seriez-vous prête à acheter la Maison du Chocolat ?

J’achète ce dont j’ai envie et ça me suffit, car une fois qu’on possède la maison du chocolat, on ne peut plus aimer le chocolat ! Il faut qu’il y ait des limites sinon ce n’est plus très drôle.

Y a-t-il un écrivain qui pour vous a la classe, l’intelligence et qui écrit bien ? (mort ou vivant) 

Etgar Keret. Il a écrit entre autres un recueil de nouvelles qui s’appelle « crise d’asthme » et que j’ai littéralement adoré. Je crois que c’est le livre que j’ai le plus offert !

Quelle caractéristique fondamentale, faut-il avoir -selon vous- pour être écrivain aujourd’hui ?

Aimer le silence.

Pouvez-vous nous dire « Qu’est-ce qu’une vie réussie » ?

Une vie sans regrets

De quoi vous êtes vous détournée ?

Du regard des autres, j’espère. 

Qu’aimez-vous par-dessus tout ?

Mes filles.

État présent de votre esprit ?

Très détendue.

Quelle est la dernière question qu’il ne faut pas que je vous pose ?

Vous pouvez me poser toutes les questions !

Y a-t-il une question à laquelle vous auriez aimé répondre et qui n’a pas été posée ?

Non il n’y en a pas !

Agathe, avez-vous une ou plusieurs questions à me poser ?

Jusqu’où êtes-vous perse? Quelle place a cette culture pour vous?

Shadi Biglarzadeh : Ce sont mes racines, donc c’est important. En revanche, je dois dire que c’est loin d’être facile que de jongler avec deux cultures (perse et française) même si je suis quasiment née en France.

Enfin, pourquoi avez-vous accepté cet entretien avec moi ?

Vous m’avez écrit une lettre adorable, pourquoi aurais-je refusé ?

Propos recueillis par Shadi Biglarzadeh
Consultante stratégie-organisation Nouvelles Technologies
shb_alalettre@yahoo.fr