Madame Bovary

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Quelques jugements sur l’oeuvre de Gustave Flaubert

« … Madame Bovary se donne ; emportée par les sophismes de son imagination, elle se donne magnifiquement, généreusement, d’une manière toute masculine, à des drôles qui ne sont pas égaux , exactement comme des poètes se livrent à des drôlesses… cette femme, en réalité est très sublime dans son espèce , dans son petit milieu et en face de son petit horizon… en somme, cette femme est vraiment grande , elle est surtout pitoyable , et malgré la dureté systématique de l’auteur, qui a fait tous ses efforts pour être absent de son œuvre et pour jouer la fonction d’un montreur de marionnettes, toutes les femmes intellectuelles lui sauront gré d’avoir élevé la femelle à une si haute puissance , si loin de l’animal pur et si près de l’homme idéal, et de l’avoir fait participer à ce double caractère de calcul et de rêverie qui constitue l’être parfait ». »

Charles Baudelaire, l’Artiste, 18 octobre 1857

 

« Ce qui jusqu’à Flaubert était action devient impression. Les choses ont autant de vie que les hommes , car c’est le raisonnement qui après coup assigne à tout phénomène visuel des causes extérieures , mais dans l’impression première que nous recevons cette cause n’est pas impliquée ». « 

Marcel Proust, janvier 1920.

 

 » L’histoire que Flaubert nous raconte est celle de la médiocrité ; et cette déception que nous éprouvons , c’est le moment où nous découvrons que le réel est aussi le médiocre , l’ennui. mais c’est aussi ce que nous rêvons d’abord. Et le romanesque réside en ce mouvement qui va du rêve au réel de la rencontre, à l’échec, de ce que pourrait être notre vie à ce qu’elle est. Le roman de Bovary n’est-il pas en fin de compte l’histoire du réel , c’est à dire le surgissement d’un éternel ennui ? « 

G Bollème, La Leçon de Flaubert, Julliard, 1964

 

Extraits de la correspondance de Gustave Flaubert

 » J’ai le regard penché sur les mousses de moisissure de l’âme. Il y loin de là aux flamboiements mythologiques et théologiques de Saint Antoine. Et de même que le sujet est différent, j’écris dans un tout autre procédé. Je veux qu’il n’y ait pas dans mon livre un seul mouvement, ni une seule réflexion de l’auteur. »

A Louise Colet,  8 février 1852

 

 » Toute la valeur de mon livre, s’il en a une, sera d’avoir su marcher droit sur un cheveu, suspendu entre le double abîme du lyrisme et du vulgaire (que je veux fondre dans une analyse narrative). « 

A Louise Colet, 20 mars 1852

 

 » Croyez-vous donc que cette ignoble réalité, dont la reproduction vous dégoûte, ne me fasse tout autant qu’à vous sauter le coeur ? Si vous me connaissiez davantage, vous sauriez que j’ai la vie ordinaire en exécration. Je m’en suis toujours, personnellement, écarté autant que j’ai pu. – Mais esthétiquement j’ai voulu, cette fois, et rien que cette fois, la pratiquer à fond. Aussi ai-je pris la chose d’une manière héroïque, j’entends minutieuse, en acceptant tout, en disant tout, en peignant tout (expression ambitieuse). « 

A Léon Laurent-Pichat, 2 octobre 1856

 

 » On me croit épris du réel, tandis que je l’exècre. C’est en haine du réalisme que j’ai entrepris ce roman. Mais je n’en déteste pas moins la fausse idéalité, dont nous sommes bernés par le temps qui court. « 

A Edma Roger des Genettes, 30 octobre 1856

 

 » Madame Bovary n’a rien de vrai. C’est une histoire totalement inventée ; je n’y ai rien ni de mes sentiments, ni de mon existence. L’illusion (s’il y en a une) vient au contraire de l’impersonnalité de l’oeuvre. C’est un de mes principes, qu’il ne faut pas s’écrire. L’artiste doit être dans son oeuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout puissant ; qu’on le sente partout, mais qu’on ne le voie pas. « 

A Mlle Leroyer de Chantepie, 18 mars 1857

 

 » Quand j’écrivais l’empoisonnement de Madame Bovary j’avais si bien le goût de l’arsenic dans la bouche, j’étais si bien empoisonné moi-même que je me suis donné deux indigestions coup sur coup, – deux indigestions réelles, car j’ai vomi tout mon dîner. »

A Hippolyte Taine,  20 novembre 1866

 

Quelques citations de madame Bovary

 » Qui donc écartait, à tant de distance, le matin d’avant-hier et le soir d’aujourd’hui ? Son voyage à la Vaubyessard avait fait un trou dans sa vie, à la manière de ces grandes crevasses qu’un orage, en une seule nuit, creuse quelquefois dans les montagnes « 

première partie, Chapitre 9

 

« Quant à Emma, elle ne s’interrogea point pour savoir si elle l’aimait. L’amour, croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, — ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l’abîme le cœur entier. Elle ne savait pas que, sur la terrasse des maisons, la pluie fait des lacs quand les gouttières sont bouchées, et elle fût ainsi demeurée en sa sécurité, lorsqu’elle découvrit subitement une lézarde dans le mur. « 

deuxième partie, Chapitre 4

 

 » Il s’était tant de fois entendu dire ces choses, qu’elles n’avaient pour lui rien d’original. Emma ressemblait à toutes les maîtresses ; et le charme de la nouveauté, peu à peu tombant comme un vêtement, laissait voir à nu l’éternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mêmes formes et le même langage. »

deuxième partie, Chapitre 12

 

 » Vous profitez impudemment de ma détresse, monsieur ! Je suis à plaindre, mais pas à vendre ! « 

troisième partie , Chapitre 7, Emma à Maître Guillaumin,

 

« …comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. « 

deuxième partie, Chapitre 12

 

 » car tout bourgeois, dans l’échauffement de sa jeunesse, ne fût-ce qu’un jour, une minute, s’est cru capable d’immenses passions, de hautes entreprises. Le plus médiocre libertin a rêvé des sultanes ; chaque notaire porte en soi les débris d’un poète. « 

troisième partie, Chapitre 6

 

« Il ne faut pas toucher aux idoles : la dorure en reste aux mains « 

troisième partie, Chapitre 6