Belle du Seigneur d’Albert Cohen

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Belle du Seigneur d’Albert Cohen

Contexte

Ce roman d’Albert Cohen a été publié chez Gallimard en 1968. Belle du Seigneur est le troisième volet d’une tétralogie qu’Albert Cohen a commencé en 1935. Les premiers volumes sont Solal (1930) et Mangeclous (1938). Le dernier volume de cette tétralogie, Les Valeureux, a été publié en 1969.

Ce roman considéré comme le chef d’œuvre d’Albert Cohen rendit la célébrité à celui qu’on avait injustement un peu oublié depuis la fin de la guerre.

Résumé du roman

Belle du Seigneur est le récit de la passion de Solal et d’Ariane d’Auble ; une passion flamboyante qui peu à peu se désagrège.

Ariane d’Auble, jeune aristocrate protestante , candide et fantasque, a épousé Adrien Deume, un petit bourgeois étriqué qui travaille à la Société des Nations. Sa belle-mère est mesquine et son beau-père insignifiant.

Solal, juif séducteur , ironique et grand prince , est le responsable hiérarchique d’Adrien Deume.

Le 1er mai 1935, vers midi, à Genève, « déguisé en vieux juif… pauvre et laid », il s’introduit chez Ariane. La jeune femme est horrifiée. Solal enlève son déguisement et lui déclare, malgré son scepticisme quant à l’amour, sa passion. Ariane lui résiste.

Puis Solal envoie Adrien Deume en mission à l’étranger pour trois mois. Il revoit Ariane et à l’issue d’un immense discours sur la séduction , Ariane finit par lui céder. Leur amour connaît alors  » le délire sublime des débuts« . Ils vivent une intense passion.

Grâce à la complicité de ses cousins, Les Valeureux, Solal enlève Ariane. Ils s’enfuient dans le sud de la France. Adrien rentré de mission plus tôt que prévu, est effondré par le départ de son épouse; il tente de se suicider.

Les amants s’installent dans un luxueux hôtel sur la Côte d’Azur. Ils semblent vivre un bonheur idéal, pourtant Solal commence à se lasser de cette existence superficielle et fastueuse. D’autant qu’une intervention pour la défense des juifs allemands persécutés lui vaut de perdre à la fois son poste à la SDN et la nationalité française.

Les amants décident alors de s’isoler .Ils louent une villa ,  » la Belle de Mai ».

Vivant difficilement cet échec et supportant mal « cette prison d’amour », Solal se montre de plus en plus violent. La passion s’étiole , l’ennui s’installe. Prisonniers de leur solitude , les amants reviennent à Genève et se suicident au Ritz le 9 septembre 1936.

Quelques extraits de Belle du Seigneur

..elle lui tendit les mains. Il les prit, et il plia le genou devant elle. Inspirée, elle plia le genou devant lui, et si noblement qu’elle renversa la théière, les tasses, le pot à lait et toutes les rondelles de citron. Agenouillés, ils se souriaient, dents éclatantes, dents de jeunesse. Agenouillés, ils étaient ridicules, ils étaient fiers et beaux, et vivre était sublime.

Baiser qui n’était plus qu’un rite, pensa-t-il. O le baisemain sacré du premier soir au Ritz, ce don enthousiaste de l’âme.

Devenus protocole et politesses rituelles, les mots d’amour glissaient sur la toile cirée de l’habitude.

Elle toussa, et il la vit si lamentable… avec son imperméable, sa combinaison , ses bas écroulés, son nez grossi, ses paupières enflées de larmes, ses beaux yeux cernés de bleu malade. Sa chérie, sa pauvre chérie. O maudit amour des corps , maudite passion.

Quelques jugements sur Belle du Seigneur

C’est un livre extraordinaire , irritant , magnifique , propre à déclencher les passions… C’est un livre fait pour casser l’orgueil . Pour casser tout. Au passage, et dans son pessimisme absolu, il ramène à zéro la passion sexuelle… Je crois saisir en cet esprit très religieux, très religieusement juif d’Albert Cohen, un immense désir de pureté. Qu’on soit ou non d’accord sur le principe sous-jacent, on constatera que ce n’est pas là un des aspects les moins intéressants du livre.

Jean Freustié, Le Nouvel Observateur, décembre 1968

 

Quel morceau, Quel monstre ! 845 pages, 32 francs et à peu près autant d’heures de lecture que de francs : on est terrorisé… On tente pourtant l’aventure . On plonge dans l’énorme histoire : alors le mécanisme joue et l’on est piégé . Des beautés éclatantes , des torrents de mauvais goût : on est emporté par l’un , ébloui par les autres . On sort de là un peu stupéfait , la tête vide, mais soyons francs : le jeu en valait la chandelle.

François Nourissier, Les Nouvelles Littéraires, Septembre 1968

 

Belle du Seigneur est beaucoup plus qu’un roman: un monument, une cathédrale , un morceau de temps recréé dans sa générosité, sa totalité.

Paul Creth, la Voix du Nord, Novembre 1968

Sources Bibliographiques

Belle du Seigneur d’Albert Cohen , Annie Monnerie, Balises (Editions Nathan)
Le Robert des Grands Ecrivains de langue française