Rencontre avec Sylvain Leroux et Guy Jacquemelle, les deux auteurs de «Dis, raconte-moi demain»

 

Le 15 mai, sort en librairie « Dis raconte-moi, demain » de Sylvain Leroux et Guy Jacquemelle (Editions Kawa)

Ce livre, écrit avant la crise sanitaire, mais en parfaite résonance avec les débats qui fleurissent depuis 2 mois, est à la fois un conte (dans le prologue et en début de chaque chapitre, nous suivons les aventures d’un petit explorateur extra-terrestre visitant notre planète) et un essai qui pose un œil original sur notre monde. Il nous incite à faire un pas de côté, et à réfléchir aux futurs que nous souhaitons.

Rencontre avec Sylvain Leroux et Guy Jacquemelle, les deux auteurs de ce livre.

Interview réalisée par Chloé Sanseverina par mail les 11 et 12 mai 2020

Chloé : Comment vous est venue l’idée de ce livre ?

Guy : Sylvain et moi sommes tous deux passionnés de technologies et de prospective. Mais au-delà de la technologie, ce qui nous motive vraiment ce sont les progrès que permettent ces innovations ; progrès, dont nous pensons qu’ils devraient bénéficier au plus grand nombre. Car l’innovation n’a de sens que si elle rencontre des réalités et qu’elle est partagée.
Nous aimons aussi discuter littérature et de nos livres coups de cœur, parmi eux le Petit Prince.

Sylvain : Nous nous connaissons depuis 10 ans, mais n’avions jamais eu l’occasion de travailler sur un projet commun.
Lors de l’une de nos nombreuses discussions, est née cette envie d’écrire un livre ensemble.
Guy a déjà eu l’occasion d’écrire de nombreux livres, romans ou essais. De mon côté, j’ai eu la chance de m’occuper d’un Prix littéraire, mais cependant je n’ai jamais eu l’idée ou l’envie de me lancer dans un tel projet, c’est vraiment le plaisir de prolonger nos échanges et nos interrogations qui m’a motivé.
On a ainsi imaginé un petit explorateur, habitant sur l’un des astéroïdes de notre galaxie qui viendrait visiter notre planète.

Chloé : Pouvez-vous vous présenter ?

Sylvain : Cela fait 20 ans que j’évolue dans le domaine de l’internet et des télécoms. J’adore hybridation et la transdisciplinarité, et mes collègues et mes amis sont pour cela une formidable source d’inspiration au quotidien, cela me permet ainsi d’imaginer et de valoriser des solutions à la fois inclusives et durables.
J’ai entre autres, travaillé à construire des ponts entre le monde du digital et celui de la culture à travers des projets transmedia, de numérisation de patrimoine et la création d’un Prix Littéraire des lecteurs-internautes. J’ai aussi été en charge de lancer la politique de Responsabilité Sociale d’Entreprise pour la zone Afrique / Moyen Orient d’un grand opérateur télécom ce qui m’a beaucoup amené à me questionner à titre personnel.

Guy : J’ai moi aussi travaillé dans le monde du Web et des mobiles pendant une vingtaine d’années et m’investis maintenant dans un think tank européen.
Passionné par l’actualité et l’écriture, j’ai été pigiste pendant plusieurs années pour L’Express, l’Obs et le magazine ELLE. J’ai également publié quatre essais : Le Grand Oral de l’ENA, Citizen Cannes, La malédiction des start-ups, Leurs années Sciences Po et deux romans. Et je suis co-auteur de Big Data : le cinéma avait tout imaginé et Au secours ma vie se digitalise.

Chloé : Pourquoi avez-vous souhaité créer ce petit explorateur ?

Guy : Nous sommes tous les deux des admirateurs du Petit Prince de Saint Exupéry, un livre unique, qui a presque 80 ans et qui passionne toutes les générations. Nous nous sommes dit : comment réagirait un des amis du Petit Prince, s’il débarquait aujourd’hui sur notre planète ? Quel regard porterait-il sur notre société ?
Certaines choses, universelles et immuables n’ont pas vraiment évolué, mais notre société a vraiment changé, accéléré pendant toutes ces années.
Et comme nous aimons aussi beaucoup les fables de La Fontaine, nous avons imaginé de lui faire rencontrer différents animaux, plus étonnants les uns que les autres.

Sylvain : L’idée, à travers ce petit personnage, était d’illustrer de manière simple (car ce n’est pas du tout un livre d’experts) différents thèmes pour mieux comprendre les grands sujets de notre 21e siècle : la vitesse, la santé, l’amour, la vie privée, l’individualisme, l’argent,…
Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est une invitation à se poser des questions sur ces sujets et de donner quelques clés au lecteur afin de lui permettre de se recentrer sur ce qui est vraiment important pour lui.
La grande Histoire y côtoie les petites histoires : si les travers de nos sociétés sont bien présents, les belles initiatives ou certaines plus insolites le sont aussi.

Chloé : Parlez-nous de Céleste ce petit humanoïde et de sa planète

Sylvain : Céleste habite une petite planète de quelques kilomètres carrés. Ses habitants y mènent une vie paisible, et ont cette particularité de tous se ressembler. Sur cet astéroïde il n’y a ni hommes, ni femmes, ni grands, ni petits, mais une infinité d’habitants de même taille et tous semblables.
Cette planète est un havre de paix car il n’y a ni argent, ni religion, ni conflits entre ses habitants qui vivent en parfaite har¬monie : c’est une planète assez différente de la nôtre (sourires).
Mais cette planète est tellement parfaite, que Céleste s’ennuie un peu. Le soir, il regarde les étoiles avec sa lunette astronomique. Et lorsqu’il découvre notre planète bleue, il fait un rêve, celui de la visiter et de découvrir comment on y vit.

Chloé : Comment se retrouve-t-il sur la planète terre ?

Guy : Là c’est la magie des contes. Céleste a un oncle, Pittacus, qui répond à toutes ses questions et qui va lui confier un secret : il lui fait découvrir une solution oubliée de tous, lui permettant de réaliser son rêve et de venir chez nous.

Chloé : Et les animaux qu’il rencontre. Pouvez-vous nous en présenter quelques-uns ?

Sylvain : Les animaux incarnent des caractères ou des traits de notre époque et de notre société.
Céleste, notre petit explorateur, rencontre une libellule qui est le symbole de la vitesse, de la superficialité. Elle n’a jamais le temps de s’arrêter. Il fait la connaissance d’un paon, symbole du nombrilisme, de l’égoïsme. Mais heureusement, bien sûr, il va rencontrer aussi des animaux beaucoup plus sympathiques, notamment un chien qui est un modèle de générosité, un colibri, très respectueux de la nature, et des gorilles qui plutôt que de se faire la guerre ont trouvé un moyen de se divertir sans danger.

Chloé : Comment se présente ce livre ?

Guy : Le voyage de Céleste, le petit humanoïde, sur notre planète, est le fil rouge du livre qui compte une dizaine de chapitres.
Chacun des chapitres contient une première partie sous forme de « conte ». On y découvre un ou plusieurs animaux que rencontre Céleste. Chaque animal campe un thème de notre société : la vitesse, la générosité, l’amour, l’argent …

Sylvain : Ces rencontres servent de tremplin à une seconde partie sous forme d’essai. Nous donnons quelques clés pour mieux comprendre le passé, se reconnecter au présent et évoquer les futurs possibles.

Chloé : Ecrire un livre à 4 mains, c’est assez original. Comment avez-vous travaillé ?

Guy : Il y a l’étincelle initiale, puis quelques semaines de discussion et de brainstorming tous les deux pour passer de l’idée originale à ce projet d’écriture. C’est là qu’on a imaginé les aventures de notre petit explorateur, les thèmes qu’on souhaitait traiter, les animaux que pourrait rencontrer notre petit humanoïde
Puis nous avons construit l’articulation entre le conte et la partie analyse.

Sylvain : On a ainsi défini ensemble la structure type d’un chapitre. Tout ce travail de préparation nous a pris près de la moitié du temps du projet mais cela nous a aussi beaucoup facilité la tâche ensuite. Puis chacun s’est jeté à l’eau pour écrire son premier chapitre. Tous les quinze jours ou tous les mois, on se les faisait relire pour se challenger, se les enrichir mutuellement et les homogénéiser. De longs mois plus tard, est arrivée l’écriture de l’épilogue…
Ce qui est intéressant, au final, au travers des premiers retours que nous avons eus, c’est l’homogénéité de l’ensemble et l’impossibilité pour le lecteur de savoir qui a écrit quoi. (sauf notre super correcteur 😉

Chloé : Nous sommes en pleine crise sanitaire, ce livre a été écrit auparavant. Mais que peut-on apprendre dans ce livre qui puisse nous servir pour le « monde d’après » ?

Guy : La crise sanitaire est un choc pour tous. Comme toute crise, elle a permis de faire émerger le meilleur et le pire.
Le meilleur, c’est cette mobilisation des personnels de santé, la solidarité dont font preuve certains pour venir en aide à leurs voisins seuls, âgés, ou en difficulté, ceux qui organisent des concerts aux fenêtres de leurs quartiers, ou qui à 40 enregistrent à distance une chanson chorale. Le pire ce sont ces comportements égoïstes ou voyous de ceux qui veulent profiter de la situation.
Paradoxalement, la crise a permis aussi de montrer qu’on pouvait, en quelques jours, suspendre partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger. À tous les arguments sur l’infléchissement de nos modes de vie, on opposait toujours « l’argument de la force irréversible du train du progrès ».

Sylvain : Cette crise, violente et douloureuse, nous donne l’occasion de réfléchir au monde d’après. Repartirons-nous bille en tête sans nous poser de questions ? Beaucoup le craignent. En profiterons-nous pour fixer de nouveaux axes de développement, plus vertueux, plus responsables, plus solidaires ? Beaucoup aussi l’espèrent. Notre livre permet de prendre un peu de recul « sur ce monde d’avant » et d’esquisser quelques pistes pour « le monde d’après ».
Notre livre pointe les évolutions de notre société ces dernières décennies. Avons-nous envie de toutes les conserver, de les développer, d’en corriger ou d’en arrêter certaines ? Il n’y a pas de réponse unique mais c’est un ensemble de réflexions et de pistes qui permettront, nous l’espérons, au lecteur de se poser les bonnes questions et de décider

Chloé : Pourquoi pensez-vous que ces sujets sont importants ?

Sylvain : Nous allons la chance de vivre sur une planète magnifique qui possède tant d’atouts.
Mais on le voit depuis quelques dizaines d’années on enchaine crise sur crise (sanitaire, écologique, économique…). Nous sommes dans un monde où les 1% les plus riches du monde possèdent plus que les 99% restants. Il nous faut retrouver le sens de la mesure. Retrouver le plaisir de la lenteur et de la douceur par rapport à la vitesse et à la violence, prendre le temps de profiter de l’instant présent et de nos proches, être dans une démarche de partage plus que d’accumulation, de respect et de responsabilité vis-à-vis de nos enfants et de toutes les générations qui vont suivre.

Guy : Ce qui fascine aussi Céleste, le petit explorateur qui vient d’une planète où règnent l’uniformité et l’homogénéité c’est la diversité des personnalités qu’il croise, où chacun possède une parcelle de vérité et une richesse qui ne demandent qu’à être partagées.

Chloé : A qui recommanderiez-vous la lecture de ce livre ?

Guy : C’est un livre, pour la partie « conte » qui s’adresse au plus grand nombre : à la fois aux enfants et aux « grandes personnes » qui sont restés au fonds d’elles-mêmes des enfants. Et bien sûr au-delà, aux parents et aux adultes, qui y trouveront des thèmes les incitant à faire un pas de côté par rapport à l’actualité et prendront le temps d’en discuter avec les plus jeunes.

 

 

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