Le Cœur à rire et à pleurer de Maryse Condé

« Ce que l’intelligence nous rend sous le nom du passé n’est pas lui. » Marcel Proust

Maryse Condé est née en 1937 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Elle a étudié au lycée Fénelon à Paris puis l’anglais à la Sorbonne. Elle vit désormais à Boston et est Professeur Emerita à l’université de Columbia.

Le coeur à rire et à pleurer de Maryse Condé

Le sous-titre du livre, « contes vrais de mon enfance », questionne la nature du récit autobiographique en le plaçant entre réalisme, divertissement et didactisme. Un récit autobiographique peut-il s’apparenter à une série contes ? Les souvenirs de l’auteur sont bien fragmentés en courts épisodes auxquels on a donné des titres comme à des contes mais le sérieux qui innerve le livre n’en fait pas pour autant des contes pour enfants. L’épigraphe choisie de Proust indique suggère aussi que le livre est composé de souvenirs colportés tout au long d’une vie et que le fait même de les penser et de les écrire en modifie la nature et la portée.

La langue du souvenir est fraiche et limpide dès les premières lignes. Il n’y a pas de brume romantique pour embellir le passé qui vaille. Maryse Condé allie un style direct, sans fioritures avec la subtilité. C’est une vraie conteuse qui pèse ses mots, connaît son histoire, ses histoires et se fait une joie de les délivrer.

Son problème, à la petite Maryse, c’est sa franchise. Elle dit tout haut que son amie Yvelise n’est ni belle ni intelligente et le jour de l’anniversaire de sa mère, elle fait pleurer celle-ci devant la famille, en lisant un portrait sans fard à son effigie. Elle n’hésite pas non plus à demander à son entourage pourquoi on bat les nègres. Pourquoi personne ne lui répond donc ? Le silence de son entourage lui apprendra à découvrir ces choses-là par elle-même, par sa propre expérience, en ayant le courage de regarder les blessures de la colonisation antillaise de ses yeux d’enfants.

A travers de multiples épisodes, on voit la petite Maryse à la personnalité bien trempée grandir, se cogner aux joies et aux souffrances de la vie. Elevée dans un milieu relativement aisé, Maryse Condé a des parents qui sont le produit d’une génération « assimilationniste » éduquée, se sentent plus français que les Français et vénèrent la métropole d’une façon que la petite fille a du mal à saisir et contre laquelle son grand-frère communiste croisera le fer, au prix de sa courte vie. Le livre raconte aussi les fausses promesses de la France faites à ses anciennes colonies devenues en 1946 des « départements d’outre-mer ».

A lire, pour comprendre un morceau d’histoire guadeloupéenne et française des années 1940-1950 et découvrir l’enfance d’un écrivain engagé.

Inès

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